Quel est l'impact du weather market sur les céréales ?

La météo printanière laisse planer des nombreuses incertitudes sur le blé tendre. Baisse de surface et baisse de rentabilité, le marché est plus qu'incertain. Combien d'hectares de blé tendre sont attendus ? Qu'en est-il de l'orge et du maïs ? Analyse, explication et conseils avec Antoine Guyon, consultant chez Argus Média France

En ce début de printemps, que peut-on attendre des grands producteurs de blé en Europe et en mer Noire ? 

Antoine Guyon : 
Si la concurrence à l'export a été l'un des principaux facteurs de lourdeur sur le complexe céréalier, les performances commerciales des grands exportateurs laissent peu à peu la place aux incertitudes météo du printemps, ce qui explique le regain de fermeté observé ces dernières semaines.

Tout d'abord en Europe, la mauvaise performance à l'export de l'ouest européen sur la première partie de campagne 2023-2024 a alourdi les stocks de report de l'Union européenne. Ils sont désormais attendus autour de 16 millions de tonnes.

Quelles sont les conséquences sur le potentiel de production de nouvelles récoltes ? 

L'ouest européen aura été et reste pénalisé par une météo trop humide depuis les semis. En plus des pertes de surface en France, seuls 4,2 millions d'hectares de blé tendre sont attendus sur le territoire national, contre 4,3 millions d'hectares (campagne 2020-2021). 

Comment se porte les conditions de culture ? 

À date, il semble difficile d'obtenir une récolte française 2024, à plus de 30 millions de tonnes.
En Allemagne, c'est la même histoire, en particulier dans les zones nord de production.
Si les conditions sont jusqu'à présent, bonnes pour la Pologne, de premières alertes ont été lancées en région Baltique après la sortie de l'hiver. Pour ce qui est de la moitié sud, le temps s'assèche et se réchauffe de l'Espagne à l'Italie, jusqu'au Balkans. Côté mer Noire, si aucune alerte de rendements n'est à noter pour l'instant en Ukraine, ce sont surtout les surfaces qui diminuent. 

Le ministre de la Culture ukrainien anticipe une nouvelle baisse des surfaces de céréales pour la récolte 2024. Ceux-ci seront remplacés par du tournesol ou du soja, les oléagineux semblent, pour l'instant, plus rentables en Ukraine.

Du côté de la Russie, les conditions ont été optimales sur une grande partie de l'hiver, mais depuis quelques semaines, un début de sécheresse s'installe. S'il est encore trop tôt pour abaisser son potentiel de production - les disponibilités russes sont estimées à plus de 100 millions de tonnes - de premiers doutes se font connaître.

Les volumes de blé restants à commercialiser, russes et européens, restent importants, la période de Weather Market se fait ressentir, apportant son soutien au cours.

À quelle production d'orge s'attendre pour la nouvelle récolte ? 

À l'image des autres céréales, les opérateurs se penchent à présent sur le potentiel de la nouvelle récolte, à mesure que la demande se raréfie sur l'ancienne récolte et que les risques grandissent sur la nouvelle.

La production d'orge en Europe pourrait atteindre 58 millions de tonnes en 2024, alors que la moyenne sur les dix dernières années est autour des 60 millions de tonnes.

Cependant, il y a une grande différence entre la céréale d'hiver et celle de printemps. L'orge d'hiver qui représentait 63% de la production européenne totale l'an passé, verrait sa part chuter à seulement 54% cette année. La baisse des surfaces, couplée à des conditions de cultures dégradées, provoquent un recul important dans certains pays à l'ouest du continent. En France, la météo pluvieuse conduit France Agrimer à abaisser sa part de surface à seulement 66% contre 92% l'an passé. Et si ce pourcentage reste légèrement supérieur à celui de 2020, un risque de dégradation supplémentaire est présent. 
Avec un risque similaire au Royaume-Uni et en Allemagne, la production européenne se rapproche petit à petit du plancher des 30 millions de tonnes.

Qu'en est-il des orges de printemps ? 

Après un accident de production sur la zone nord l'an passé, la production européenne devrait tout de même se ressaisir.
Longtemps perçue comme une solution de repli crédible pour les producteurs ayant pu semer leurs céréales d'hiver, les déceptions se font ressentir à leur tour sur les orges de printemps. Si les travaux de semis ont atteint 86% en France, les 14% restants seront mis à rude épreuve, car la fenêtre de semis se referme.
Dans le reste de l'Europe, le retard est également significatif et seule la rentabilité de l'orge sauve les semis tardifs.

Quelle place aux incertitudes sur le marché du maïs ? 

Le maïs reste pour le moment, l'élément de lourdeur sur le complexe céréalier, limitant ainsi tout mouvement d'ampleur.

Pour autant, la concurrence pourrait s'atténuer sur cette fin de campagne sur la zone européenne. L'Ukraine voit ses disponibilités fondre grâce à sa dynamique export d'avant-conflits retrouvée. Près de 27 millions de tonnes sont à exporter en 2023-2024, le pays se retrouve désormais avec seulement 10 millions de tonnes à exporter sur les 6 prochains mois de campagne.

Dans le même temps, la période est propice au retour de la volatilité, à l'heure où les travaux des champs débutent à peine au sein de l'hémisphère nord. L'attention se focalisera naturellement sur les États-Unis. La baisse annoncée des surfaces ne laisse peu de place à un accident climatique.

En Amérique du Sud, si la prochaine récolte s'annonce pour l'instant record, les incertitudes sont elles aussi, nombreuses.
La production record attendue en Argentine voit venir un nouvel obstacle : une forte pression de maladies commence à se faire connaître, bien que pour l'instant, ce soient les semi-tardifs qui soient les plus à risque. Dans ce contexte, la Bourse de Buenos Aires a abaissé la semaine dernière son estimation de production en Argentine de moins de 2 millions de tonnes.

 Quelle stratégie de communication adopter dans cet environnement incertain ? 

Au vu du regain de fermeté des dernières semaines, il est recommandé de débuter sa commercialisation en céréales.

Tout regain de fermeté supplémentaire sera une opportunité pour avancer davantage dans vos engagements.

Si les rendements de la nouvelle récolte sont pour l'instant incertains, il est important d'essayer d'estimer dès à présent ses coûts de production afin de se construire une moyenne de vente rémunératrice.

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