Salariés agricoles : des métiers à valoriser

[Edito] Désormais minoritaires même dans l’espace rural, les chefs d’exploitations se raréfient, mais laissent place à d’autres formes de sociétés agricoles. Au-delà de l’installation des agriculteurs, c’est aussi le renouvellement de l’ensemble des actifs agricoles, salariés et indépendants, qui est en jeu dans les années à venir.

Il n’y a jamais eu aussi peu d’agriculteurs en France (ceux-ci représentent 1,5% des actifs), mais la plupart des Français se pensent légitimes pour parler d’agriculture, alors qu’ils sont de moins en moins issus du milieu agricole et de plus en plus déconnectés des problématiques rurales. Les allées noires de monde du Salon de l’agriculture, dont la 59e édition touche à sa fin, ne démentiront pas cette affirmation. Est-ce par intérêt pour l’agriculture ou pour les produits du terroir que les Français se massent pour visiter « la plus grande ferme de France » ? Il semblerait, au vu des débordements du premier weekend, que certains ne soient venus que pour goûter aux produits alcoolisés.

Mais passons sur ce public aviné. Une grande partie des visiteurs est un public de curieux, familial et scolaire. Un public constitué notamment de jeunes (et moins jeunes) courtisés par le monde agricole, face au défi immense du renouvellement des générations. « Je crois qu’un des enjeux les plus importants de l’agriculture française aujourd’hui, c’est l’installation des jeunes, c’est qu’il y ait encore des jeunes, qui aient envie de faire ce métier formidable », a déclaré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire en visite au salon.

Des chemins alternatifs pour l'installation

Mais le renouvellement des générations se heurte à une inadéquation entre les exploitations à céder et les aspirations des nouveaux porteurs de projets en agriculture. Face à cela, plusieurs initiatives voient le jour pour mieux accompagner les nouvelles installations agricoles, à l’image du parcours de reconversion mis en place dans le Cantal, ou encore l’accompagnement proposé par l’entreprise Eloi.

L’installation passe désormais par des chemins de traverse. Mais même avec ces dispositifs alternatifs, le remplacement d’un départ par une nouvelle installation semble intenable au vu de la démographie. A trop focaliser l’attention sur le statut de chef d’exploitation, on en oublie la nécessité de recruter et de former aussi des salariés agricoles. Or, ceux-ci pâtissent d’un manque d’attractivité encore plus grand que le métier-même d’agriculteur.

Recours croissant à l'activité salariée

On l’a bien vu pendant les confinements, lorsqu’il manquait des saisonniers : l’agriculture a besoin de bras. Elle en aura encore plus besoin à l’avenir, car on assiste à la raréfaction de l’agriculture familiale, avec un couple qui ne compte pas ses heures et des grands-parents toujours là pour donner un (gros) coup de main. Désormais, « un chef d’entreprise agricole peut combiner son activité indépendante avec des activités salariées conduites ailleurs; ce même chef d’entreprise peut déléguer des travaux sur son exploitation à une entreprise de prestations de services, etc. », rappellent les sociologues François Purseigle et Bertrand Hervieu dans une tribune parue dans Le Monde, titrée « Le modèle de l’exploitant agricole classique a perdu une grande part de sa pertinence ». Face à ces mutations, l’enjeu n’est plus seulement le renouvellement des chefs d’exploitation, mais bien celui de l’ensemble des actifs agricoles.