Eloi, un tiers de confiance entre cédants et candidats à l’installation

Eloi est un nouvel acteur dans le paysage de l’installation-transmission dont l’objet consiste à mettre en adéquation les offres de reprise avec les aspirations des candidats à l’installation et notamment les Non issus du milieu agricole. Une entreprise à mission... impossible ?

En matière d’installation, les dispositifs d’accompagnement alternatifs au cadre institutionnel sont plutôt rares. Et pour peu que l’on ait le regard critique voire acerbe, on a tôt fait de tomber dans la caricature, résumant leur crédo à l’installation de jeunes maraichers non formés (sinon à la permaculture), s’installant sur 1 ou 2 ha avec un abri froid de 500 m2, en bio évidemment et avec une Amap au soutien et une cantine scolaire pas loin. « Nous nous refusons à accompagner un maraicher sur moins de 5 ha », déclare Maxime Pawlak fondateur d’Eloi. « Sur nos sept premiers projets concrétisés, nous avons du bovin laitier, du bovin allaitant, du caprin et de l’ovin et bien entendu du maraichage », ajoute François Moret, co-fondateur. A minima en agroécologie, sinon en bio.

Entreprise à mission... impossible ?

Dans une vie antérieure, les deux associés et fondateurs d’Eloi s’étaient fait une spécialité des défis impossibles dans les secteurs de l’informatique et de l’industrie. Après avoir chacun revendu leur affaire, ils ont créé Eloi, une entreprise à mission... impossible ? « Notre credo, c’est d’adapter les fermes en transmission aux attentes des nouvelles générations d’agriculteurs et notamment les non issus du milieu agricole, en agissant sur différents leviers tels que l’orientation de la production et des circuits de vente, mais également sur la taille de l’exploitation, le prix, le devenir de l’habitation ou encore en faisant appel à des solutions de portage foncier », détaille Maxime Pawlak.

"Quand une exploitation part à l’agrandissement, les bâtiments sont rarement valorisés à leur juste prix"

Eloi se définit comme un tiers de confiance entre cédants et repreneurs, en faisant en sorte de rapprocher les deux parties que beaucoup de choses peuvent séparer, à commencer par l’enjeu financier. Les cédants peuvent par exemple, et bien légitimement, être sujets à une surévaluation du fruit d’une vie de labeur, à l’aube d’une retraite tout en sobriété... « Il ne faut pas réduire les cédants à des futurs retraités, affirme François Moret. Car si certains candidats ne se projettent pas agriculteurs toute leur vie, c’est déjà le cas aujourd’hui d’agriculteurs de 45 ou 50 ans ». Et si Eloi peut ramener à la raison des cédants un peu trop gourmands, l’entreprise peut aussi, a contrario, aider à mieux valoriser certains actifs. « Quand une exploitation part à l’agrandissement, les bâtiments sont rarement valorisés à leur juste prix », souligne François Moret.

Côté repreneurs, pour alléger la charge financière, Eloi peut conseiller la création d’une « grappe de fermes » permettant d’assurer la transmission d’une exploitation un peu conséquente à plusieurs candidats, à la fois autonomes et complémentaires. Une forme de « désagrandissement » mais qui n’exclut pas par ailleurs les schémas conventionnels, à savoir en individuel ou en Gaec, une formule qui rebute plus d’un candidat (tous canaux d’installation confondus) que l’offre de reprise, notamment en élevage, peut être prégnante. « 40% de notre communauté de porteurs de projet sont disposés à étudier des propositions d’installation dans un Gaec existant, indique Maxime Pawlak. Avant de préciser : « même si la création d’une activité complémentaire et nouvelle anime le plus souvent les candidats à la reprise ».

"Nous rencontrons trop de cédants épuisés et affectés psychologiquement par une, deux ou trois tentatives de cession avortées et qui ne résistent plus aux sirènes de l’agrandissement ou de la délégation à un ETA "

Individuel, « grappe » ou Gaec : Eloi opère une sélection des candidats à l’installation. Ne pas savoir dire « non », c’est aussi le reproche qui est formulé ici où à l’encontre des acteurs émergents dans le domaine. « Nous écartons environ 30% de candidats sur la base d’une insuffisance de la robustesse de leur candidature, déclare François Moret. Nous avons une exigence très forte consistant à sélectionner des porteurs de projet motivés, formés, expérimentés et disposant de capacités d’investissement. Nous rencontrons trop de cédants épuisés et affectés psychologiquement par une, deux ou trois tentatives de cession avortées et qui ne résistent plus aux sirènes de l’agrandissement ou de la délégation à un ETA ».

"Face au défi du renouvellement des générations, nous avons clairement besoin de travailler tous ensemble. Nous ne voulons prendre la place de personne mais faire plus pour aller plus loin"

Après un peu plus de deux ans d’existence, Eloi a concrétisé 7 projets d’installation, à l’issue desquels l’entreprise se rétribue auprès du cédant. « Il faut en moyenne dix mois pour mener à bien un projet, relativise Maxime Pawlak, qui déplore la « complexité administrative du processus ». Eloi vise 1000 installations par an d’ici 4 à 5 ans, en misant sur son réseau (bientôt national), sa communication (sur les réseaux notamment) ou encore sa prospection de cédants par phoning... et en misant sur la place qu’on voudra bien lui accorder dans l’écosystème de l’installation. « Il y a plein de choses que les Chambres et que les JA font au sein des PAI et que nous n’avons pas vocation à faire, déclarent les fondateurs d’Eloi. Mais face au défi du renouvellement des générations, nous avons clairement besoin de travailler tous ensemble. Nous ne voulons prendre la place de personne mais faire plus pour aller plus loin ». Au sein de la ferme digitale, Eloi est impliqué dans le processus de concertation du Pacte et de la Loi d’orientation agricole.