Soja sans complexe (1/4) : l’Europe potentiellement autonome, selon l’Inrae

A consommation constante, l’Europe pourrait satisfaire ses besoins en soja à la faveur du changement climatique, moyennant l’implantation de l’espèce sur 11% de la SAU contre moins de 2% actuellement. La France compte bien y prendre sa part.

Sous les climats actuels et futurs, l’autosuffisance en soja de 50% à 100% est atteignable en Europe si respectivement 4% à 11% des terres cultivées y sont consacrées, contre 1,7% actuellement. Il faudrait ainsi augmenter les surfaces de cultures d’un facteur 2 à 3 pour une autosuffisance à 50% et d’un facteur 5 à 6 pour une autosuffisance à 100%. Tels sont les enseignements d’une étude conduite par AgroParisTech et l’Inrae publiée le 7 avril dernier dans la revue en ligne Nature Food.

Les chercheurs ont développé une approche de modélisation reposant sur l’utilisation conjointe de bases de données mondiales agronomiques et climatiques et d’algorithmes d’apprentissage automatiques. Ils ont ainsi pu réaliser des projections de rendement de soja à l’échelle du continent selon différents scénarios de surfaces de cultures et en fonction des projections des conditions climatiques présentes et futures.

Remontée vers le Nord et l’Est

Les projections se basent sur un rendement moyen de 20 q/ha (non irrigué, non fertilisé) sous les conditions climatiques actuelles, avec la perspective d’une croissance comprise entre 4 q/ha et 6 q/ha sous l’effet du changement climatique. La montée en charge du soja s’accompagnerait au passage d’une réduction d’emploi des engrais azotés comprise entre 4% et 17%. Les projections de l’étude témoignent d’un déplacement des aires les plus productives depuis le sud du continent européen vers le Nord et l’Est sous l’effet du changement climatique.

Le soja a l’avantage d’être bien loti en acides aminés, notamment en lysine et en méthionine, ce qui le distingue des tourteaux de colza et de tournesol, mais également des protéagineux
Le soja a l’avantage d’être bien loti en acides aminés, notamment en lysine et en méthionine, ce qui le distingue des tourteaux de colza et de tournesol, mais également des protéagineux

La ruée vers le Nord, c’est aussi le dessein de la filière française, qui explore depuis quelques années les territoires situés au Nord de la Loire, où le soja n’est pas totalement absent, notamment en Alsace et en Bourgogne. Dans le cadre de Cap Protéines, la filière cherche à percer le plafond de verre, ce qu’illustre par exemple le programme Arpeege (Autonomie en ressources protéiques et énergétiques des élevages du Grand Est) mené par Terres Inovia et l’Idele.

Intentions de semis en hausse

En l’espace d’une décennie, les surfaces françaises de soja non-OGM sont passées de 21 800 ha (2008) à 157 000 ha en 2021, avec un rendement moyen sur les cinq dernières années de 28 q/ha (29 q/ha en 2021). Environ 20% de la production sont utilisés pour la fabrication de produits destinés à l’alimentation humaine et 15% des surfaces sont cultivées en bio. Pour 2022, Terres Inovia mise sur une sole de 180 000 ha, soit une hausse de 15%. La filière s’est fixée l’objectif d’atteindre les 250 000 ha en 2025.

Depuis le début des années 2000, le déficit en protéines végétales pour l’alimentation animale est supérieur à 40%. En France, le tourteau de soja est utilisé par les bovins laitiers (36%) et viande (8%), les volailles de chair (29%), les volailles de ponte (9%), les porcins (6%) et autres (10%). Selon les Douanes, en 2019, la France a importé 3,2 millions de tonnes de tourteaux de soja et 0,6 millions de tonnes de graines ou fèves de soja, en provenance du Brésil pour respectivement 65% et 32%.

Adoptée en 2018, la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) s’est fixée pour objectif d’en finir, d’ici à 2030, avec l’importation de produit non durables, dont le soja. En novembre dernier, la Commission européenne a emboité le pas à la France en proposant d’interdire l’importation de soja, bœuf, huile de palme, cacao et bois, ainsi que certains produits dérivés participant à la déforestation.

Tous les articles de la série :

Soja sans complexe (1/4) : l’Europe potentiellement autonome, selon l’Inrae

Soja sans complexe (2/4) : la ruée vers le Nord

Soja sans complexe (3/4) : 100% soja, 100 % alimentaire, 100% exporté, une « soy touch » à la sauce toulousaine

Soja sans complexe (4/4) : 26 q/ha en sec, en bio et sans binage dans la Meuse