SOS colza (3/3) : « Une goutte, plus une goutte... égalent des gousses »

A Auzainvilliers (Vosges), Jean-Bernard Mangin persévère dans le colza en activant tous les leviers agronomiques, à l’exception des plantes compagnes. L’allongement de la rotation en fait partie, au détriment... du colza.

« L’an passé, j’ai semé les colzas vers le 15 août alors que l’on annonçait entre 5 mm et 10 mm, juste ce qu’il faut pour assurer son départ. Dans les faits, j’ai eu 40 mm alors que mon voisin n’a rien eu. Il y a des fois où l’agriculteur n’y est pour pas grand chose ». C’est ce qui s’appelle ne pas passer entre les gouttes mais de là à convoquer madame Soleil et la chance pour réussir le colza... Si les sécheresses récurrentes hypothèquent l’implantation, l’agronomie a encore son mot à dire. « Après un premier déchaumage sitôt la moisson des orges d’hiver, j’apporte 70 unités d’azote et 120 unités de phosphore grâce à l’épandage de boues de la coopérative de l’Ermitage, explique l’agriculteur. Dans mes préparations, j’essaie de préserver au maximum l’humidité du sol. Côtés variétés, je privilégie trois critères que sont le risque d’élongation, la résistance aux insectes et la régularité de rendement ». Le désherbage de post-levée est privilégié, des fois que...

L’agriculteur répartit sa sole entre trois variétés et privilégie trois critères de choix, dont la sensibilité à l’élongation et la résistance aux insectes
L’agriculteur répartit sa sole entre trois variétés et privilégie trois critères de choix, dont la sensibilité à l’élongation et la résistance aux insectes

Des insectes sous surveillance

Côté insectes, la situation est encore tenable mais le seuil de vigilance est remonté d’un cran au cours des années passées. Le temps des passages systématiques est depuis bien longtemps révolu. « On a sans aucun doute créé notre tort », confesse l’agriculteur qui s’est racheté depuis une conduite, notamment au sein d’un groupe Dephy. Mais le temps des impasses n’est pas encore arrivé. « Cette année, j’ai traité une fois, au printemps, contre deux fois la campagne précédente ». Jean-Bernard Mangin a renoncé aux plantes compagnes. « J’ai essayé durant trois ans mais je n’en ai pas perçu les impacts positifs, alors que c’est une charge supplémentaire ».

"Moins on utilise d’insecticides... moins on utilise d’insecticides"

Le producteur espère conserver une avance sur les insectes sous l’effet de la très faible pression insecticide s’exerçant localement. Il faut dire que le colza a quasiment disparu du paysage tandis que les autres cultures, céréalières et fourragères dans ce secteur de polyculture-élevage, cultivent la sobriété insecticide. Jean-Bernard Mangin croit au cercle vertueux suivant : « moins on utilise d’insecticides, plus on préserve leur efficacité, plus on ménage les auxiliaires et moins on utilise d’insecticides ». Ou comment ne pas mal-traiter le colza pour ne pas le maltraiter.

Des rotations plus longues

Dans les terres tantôt argilo-limoneuses ou argilo-calcaires du Gaec des Trois épis, le rendement-cible du colza se situe entre 35 q/ha et 40 q/ha. La récolte 2021 devrait pas faire mentir la moyenne. « La floraison s’est étalée sur deux mois, je n’avais jamais vu cela », confie Jean-Bernard Mangin. De quoi faire rire jaune tous ses collègues alentours qui ont retourné le colza à l’automne, faute de levée ou de pousse suffisante.

Le colza a quasiment disparu du paysage dans la plaine des Vosges
Le colza a quasiment disparu du paysage dans la plaine des Vosges

L’agriculteur ne fanfaronne pas. La campagne précédente, il avait lui-même retourné 10 ha des 37 ha implantés. Du coup, la sole sera revue légèrement à la baisse aux prochains semis, sous l’effet d’un allongement de la rotation, passant de six ans à sept ans. Le Gaec dispose d’un troupeau laitier, ce qui ménage des cultures fourragères dans l’assolement, dont des luzernes et des associations ray-grass trèfle. « Le colza reste une tête de rotation intéressante aux plans agronomique et économique. N’oublions pas que la culture sert notre autonomie protéique ». Jean-Bernard Mangin ne l’oublie pas, tout comme sa coopérative Vivescia qui offre en retour une ristourne de 6 euros sur la tonne d’aliment. « Une goutte, plus une goutte, plus une goutte... égalent des gousses ».

 

Tous les articles de la série :

SOS colza (1/3) : Opportuniste ne veut pas dire attentiste

SOS colza (2/3) : « Du colza double zéro au zéro colza »

SOS colza (3/3) : « Une goutte, plus une goutte... égalent des gousses »