SOS colza (1/3) : Opportuniste ne veut pas dire attentiste

Pour déjouer le sec et les insectes, la réussite du colza réclame un minimum d’anticipation dans la sélection et la préparation des parcelles cibles, ainsi que l’activation de plusieurs leviers agronomiques, sans oublier les services d’un bon prévisionniste météo.

Opportuniste : ce n’est pas le nom de la dernière variété de colza mais c’est la stratégie qui caractérise désormais tout candidat à l’implantation de colza. Les épisodes récurrents de sécheresse estivale hypothèquent toujours un peu plus l’implantation du colza. Les prévisions météo sont en passe de devenir l’élément déclencheur du semis. Mais gare à ne pas confondre opportunisme et attentisme. « Être opportuniste en matière de colza, c’est se mettre en situation de profiter de 5, 10 ou 15 mm de pluie mais à la condition d’avoir tout préparé en amont pour capitaliser chaque millimètre de pluie », déclare Stéphane Cadoux, chargé d’études sur les systèmes de culture chez Terres Inovia. Si l’on attend la pluie pour préparer le sol, on se prive potentiellement des quelques millimètres qui auraient pu suffire à assurer la germination et la levée ».

Objectif : colza robuste

Pour déjouer l’hostilité des conditions d’implantation, Terre Inovia a circonscrit tous les leviers agronomiques censés offrir le maximum de garanties de réussite, à commencer par la prédilection pour des précédents à récolte précoce, de manière à optimiser la fenêtre de préparation, en partie oblitérée par la nécessité de semer plus précocement, colza robuste oblige. Terres Inovia recommande de procéder à un test bêche dans le précédent, pour jauger les besoins de structuration et de préparation de sol. Le but est d’éviter tout travail superflu, tant pour ménager la marge que pour préserver l’humidité.

Le test bêche dans le précédent, pour juger de l’opportunité du travail du sol
Le test bêche dans le précédent, pour juger de l’opportunité du travail du sol

Plus le colza sera robuste, plus il résistera aux ravageurs et aux mauvaises herbes, ce qui passe par un positionnement précis des semences, le respect des densités et des peuplements cibles une levée précoce et homogène, une disponibilité suffisante en azote et en phosphore, une croissance dynamique et continue à l’automne, des pieds vigoureux. « On est aux prises à des conditions difficiles mais les situations objectives, où moyennant l’activation des leviers agronomiques, la levée du colza est impossible, sont relativement peu nombreuses », assure Stéphane Cadoux.

La génétique à la rescousse

Face aux nouveaux défis climatiques, les sélectionneurs ont adapté leurs programmes de sélection. RAGT Semences par exemple a développé une gamme spécifique baptisée « Sécure Install ». « Ces variétés sont créditées d’un gain de biomasse de 12% avant hiver et de 3,5% de rendement par rapport aux variétés témoin », déclare Samuel Dubois, chef de marché Hybrides France. Leur dynamique de développement à l’automne leur permet de valoriser l’azote disponible et leur offre une capacité d’évitement des pressions larvaires ». Le semencier a mis en place en 2020 un observatoire destiné à évaluer l’incidences des leviers agronomique, indissociables du choix variétal. « Le choix variétal est important mais la génétique ne fait pas tout », concède Samuel Dubois.

Samuel Dubois, chef de marché Hybrides France chez RAGT Semences, présente le concept « Sécure Install » aux Culturales
Samuel Dubois, chef de marché Hybrides France chez RAGT Semences, présente le concept « Sécure Install » aux Culturales

Le semencier propose par ailleurs avec le Green Pack une combinaison de trois semences comptant, outre la variété d’intérêt, une association de légumineuses compagnes (trèfle d’Alexandrie et lentille) et une variété de colza à floraison très précoce, destinée à attirer les méligèthes, le tout dans trois sacs distincts pour s’adapter à tous les semoirs en présence.

Des plantes compagnes au projet R2D2

Les plantes compagnes, c’est un des leviers mobilisés par Terres Inovia pour cocher plusieurs cases agronomiques que sont l’alimentation azotée, la compétition des adventices et la perturbation de certains ravageurs. La pratique serait actuellement représentative de 20% des assolements de colza, ce qui réserve des marges de manœuvre. Elle laisse circonspect certains producteurs, pour la complexité de sa mise en ouevre ou son efficacité relative. « En appliquant tous les préceptes du colza robuste, de nombreux agriculteurs parviennent à faire l’impasse sur les insecticides », assure Stéphane Cadoux.

Les plantes compagne concernent 20% de la sole colza selon Terres Inovia
Les plantes compagne concernent 20% de la sole colza selon Terres Inovia

Dans l’Yonne, Terres Inovia pousse plus loin le concept de plantes compagnes, en appliquant à l’échelle d’un territoire, et pas seulement d’une parcelle, l’appréhension de l’entomofaune parasite et auxiliaire du colza. Baptisé R2D2, le projet fédère 10 agriculteurs cumulant 1200 ha sur la commune de Courson-les Carrières. Il met en œuvre, à l’échelle du territoire, des haies, des bandes enherbées, des couverts attractifs des auxiliaires, des couverts répulsifs des ravageurs. Le travail du sol ménageant la nymphose des auxiliaires. « L’objectif est de tendre vers une régulation naturelle des ravageurs », souligne Stéphane Cadoux. Les agriculteurs concernés ont diversifié leur système mais croient résolument dans le colza ».

 

Tous les articles de la série :

SOS colza (1/3) : Opportuniste ne veut pas dire attentiste

SOS colza (2/3) : « Du colza double zéro au zéro colza »

SOS colza (3/3) : « Une goutte, plus une goutte... égalent des gousses »