Varenne de l’eau : les engagements du gouvernement

Le Premier ministre a fait plusieurs annonces d’ordre budgétaire et réglementaire, telles que la révision de l’instruction technique des PTGE renforçant le pouvoir des Préfets et la parution d’un décret sur les volumes prélevables hors étiage. Un délégué interministériel sera prochainement nommé pour effacer les « nuances » entre les administrations agricole et écologique sur la question de l’eau.

Lancé le 28 mai 2021 à la demande du président de le République, le Varenne agricole de l’eau et du changement climatique, qui aura mobilisé plus de 500 structures et 1500 participants pendant huit mois, a rendu ses conclusions au Premier ministre. Dans la foulée, Jean Castex a fait plusieurs annonces relatives aux trois chantiers du Varenne, à commencer par la réforme de la gestion des risques « une réforme historique reposant sur une meilleure répartition des responsabilités, plus de visibilité et plus d’équité car ouverte à tous les agriculteurs », a rappelé le Premier ministre. « Il y a longtemps que j’en entends parler. Nous l’avons fait ».

Les deux autres volets concernent l’adaptation de l’agriculture au changement climatique et la mobilisation et la gestion de la ressource en eau. Ce dernier point cristallise un certain nombre de tensions sur le terrain, pouvant confiner à la « violence » comme l’a rappelé le Premier ministre, sinon au blocage des Projets de territoire et de gestion de l’eau (PTGE).  Au nombre de soixante et voués à atteindre la centaine à l’horizon 2027, les PTGE sont censés faire le consensus entre les différentes parties prenantes sur les enjeux inhérents à la ressource, à commencer, par ordre alphabétique, par l’agriculture, l’alimentation en eau potable et la préservation des milieux. Plus facile à énoncer qu’à réaliser.

L’instruction des PTGE révisée, la transversalité chevillée

Pour déjouer les blocages et permettre la finalisation des PTGE, qui affectent une quinzaine de projets actuellement, le Premier ministre s’est engagé à modifier l’instruction technique de mai 2019. L’objectif est de fixer au sein de chaque PTGE une date butoir à la concertation, laquelle demeurera « sérieuse et approfondie », pour en finir avec des projets... sans fin. Le pouvoir des Préfets sera ainsi renforcé en matière de conception et de mise en œuvre des PTGE, permettant d’aboutir à une décision lorsque le délai de concertation fixé par les parties prenantes sera atteint.

"Il peut arriver qu’il y ait entre les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique quelques nuances. Tant mieux, cela justifie le rôle du Premier ministre"

Un délégué interministériel sera prochainement nommé, histoire de ménager la transversalité d’un sujet enjambant deux ministères. « Avec des objectifs parfois difficilement conciliables, il peut arriver qu’il y ait entre les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique quelques nuances de temps en temps, a admis Jean Castex. Tant mieux, cela justifie le rôle du Premier ministre ». En 2020, le CGAAER et le CGEDD, dans un rapport intitulé « Changement climatique, eau agriculture : quelles trajectoires d’ici 2050 ? », avaient recommandé de « porter, sur l’eau et l’agriculture, un discours commun » entre les deux ministères.

Un décret sur les volumes prélevables en hiver

Les acteurs du Varenne attendaient par ailleurs une décision politique quant à la possibilité de capter l’eau hivernale excédentaire, générée notamment par les pluies diluviennes dont la fréquence et la virulence sont amenées à s’intensifier sous l’effet du changement climatique. Un sujet à l’origine du conflit sur les bassines de substitutions dans le Poitou. Le Premier ministre a souscrit à leur demande, sous conditions. « Un travail méthodologique sera nécessaire pour tenir compte des besoins des milieux et du rechargement des nappes phréatiques, a-t-il déclaré. Une fois que ces besoins seront satisfaits, il serait dommage de ne pas capter l’eau excédentaire pour la stocker jusqu’à l’été suivant ». Le Premier ministre a demandé au ministre de l’Agriculture et à la secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité de préparer « sans délais » la modification du décret de juin 2021, lequel se limitait aux volumes prélevables en période d’étiage.

Un inventaire des infrastructures de stockage

Si le Premier ministre n’a pas fait d’annonces concernant la réalisation de grands projets d’infrastructures à long terme, il s’est prononcé pour la réalisation d’un inventaire national des ouvrages avec « l’objectif de remobiliser les volumes d’eau stockés non utilisés ». Une dizaine de territoires pilotes sera concernée dès cette année. Le retour d’expérience servira de base à un élargissement du périmètre.

Les annonces budgétaires

Le dernier volet du Varenne est consacré aux stratégies d’adaptation de l’agriculture au changement climatique. Les Chambres d’agriculture ont été chargées de réaliser des diagnostics à l’échelle des 13 régions métropolitaines. Elles ont maintenant pour mission d’établir des plans d’actions d’ici à la fin de l’année et à accompagner leur mise en œuvre d’ici à 2025. Ce volet du Varenne est celui qui a concentré les annonces budgétaires. Le Premier ministre n’a pas manqué de rappeler les 380 millions d’euros déjà programmés dans le cadre de France Relance. Un guichet de 50 millions d’euros (Outre-Mer compris) reste opérationnel pour financer des matériels parant aux aléas.

"Ce sera de l’argent bien investi car rien ne serait pire et aurait un coût infiniment supérieur que de perdre nos agriculteurs"

Vont s’ajouter près de 450 millions d’euros seront mis à disposition via France 2030, dont deux lignes de financement dotées chacune de 100 millions d’euros et disponibles dès 2022. Il faudra aussi compter avec les 600 millions d’euros qui vont abonder annuellement le nouveau dispositif assurantiel à compter de 2023, soit un « doublement » par rapport à aujourd’hui. « Je pense vraiment que ce sera de l’argent bien investi car rien ne serait pire et aurait un coût infiniment supérieur que de perdre nos agriculteurs, des gens qui travaillent, qui nourrissent la nation, qui entretiennent les écosystèmes, qui n’ont jamais levé le pied pendant la crise sanitaire et qui concourent à la souveraineté alimentaire de notre pays », a conclu Jean Castex, évoquant un « point de non-retour » à propos du Varenne, autrement dit engageant l’Etat au-delà des échéances électorales.