« Une assurance récolte significativement moins chère pour toutes les filières »

C’est la promesse du ministère de l’Agriculture, qui se fonde notamment sur le bornage du risque pour les assureurs, entre les taux de franchise et les seuils de pertes exceptionnelles, au-delà desquels l’Etat interviendra. Mais l’équation du projet de loi, adopté le 12 janvier à l’Assemblée nationale, recèle encore des inconnues.

On aurait aimé avoir une indication de l’impact du projet de réforme des outils de gestion des risques sur le montant des cotisations de l’assurance multirisque climatique (MRC). On a en sera pour nos frais. « Nos premières simulations font état d’une baisse de prix significative des primes d’assurances pour toutes les filières », fait savoir le ministère de l’Agriculture, sans se risquer à énoncer un moindre pourcentage, se réfugiant derrière la « complexité » de l’étude d’impact. Mais le ministère est sûr de son coût et de son coup. Julien Denormandie a affirmé à plusieurs reprises que la refonte du système de gestion des risques climatiques était « la plus grande réforme structurelle depuis la Pac ». Même s’il reviendra à la mandature suivante d’appuyer sur le bouton le 1er janvier 2023, la réforme ne devra pas décevoir, tout du moins le plus grand nombre. On ne pourra pas en tout cas reprocher au ministre en poste d’avoir refilé la patate chaude à son successeur, une patate toujours un peu plus chaude, soit dit en passant.

Un risque borné, une assurance davantage subventionnée

Si le ministère est sûr de son coût et de son coup, c’est parce qu’il s’appuie sur deux éléments tangibles, à commencer par le subventionnement de la MRC. Le 6 janvier dernier, en présentant le projet devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Julien Denormandie s’est prononcé pour utiliser « au maximum » le règlement européen Omnibus, qui fixe à 70% maximum le taux de subventionnement de la MRC et à 20% de pertes son seuil minimum de déclenchement. Actuellement, la MRC est subventionnée à hauteur de 65%.

"Le fait de plafonner le risque pris par l’assureur réduit son exposition au risque et permet, mécaniquement, de réduire le coût de la prime d’assurance"

Mais l’enjeu réside davantage dans le poids du reste à charge pour les agriculteurs. C’est là le cœur du réacteur du projet de réforme et de son architecture à trois étages, avec un 2ème étage, correspondant à la MRC, engoncé entre l’auto-assurance (en-deçà du taux de franchise) et le seuil de pertes exceptionnelles, au-delà duquel l’Etat puisera chaque année sur son budget, comme l’a affirmé Emmanuel Macron devant les JA le 10 septembre 2021, au titre de la solidarité nationale.

Les taux dans l’étau, en quelque sorte. « Le fait de plafonner le risque pris par l’assureur réduit son exposition au risque et permet, mécaniquement, de réduire le coût de la prime d’assurance », affirme le ministère.

Au passage, le FNGRA se dote d’une troisième section, à savoir le Fonds d’intervention exceptionnelle, aux côtés des fonds dédiés aux subventions de l’assurance récolte et aux pertes de fonds.

Deux instances de gouvernance

Le projet de loi prévoit la création d’un « pool » d’assureurs, l’outil opérationnel de distribution des assurances récolte, auquel sont assignées des obligations de transparence, de mutualisation, de non-exclusion, le tout au meilleur coût. Il reviendra au pool, dont l’Etat sera membre, de border les contours de la MRC, et notamment de définir ce qui est assurable et ce qui ne l’est pas, « dans une logique d’accompagnement et de transformation de l’agriculture française ».

Le projet de loi instaure une autre instance de gouvernance qu’est le Comité d’orientation et de développement de l'assurance récolte (Codar), réunissant les assureurs, les réassureurs, la profession agricole, l’Etat et les Régions. Le Codar, qui va cohabiter avec le CNGRA, a vocation à émettre des avis à l’intention du pool concernant les différents paramétrages de l’assurance récolte.

Les inconnues du dispositif

Parmi ces paramètres figurent dont les fameux seuils entourant la MRC, à savoir les taux de franchises et de pertes exceptionnelles, culture par culture, qui n’apparaissent pas dans le texte de loi. « Figer ces seuils dans la loi aurait privé le système de tout outil de pilotage dans les années à venir », a justifié Julien Denormandie.

"La reforme vivra très bien avec une moyenne olympique qui reste sur cinq ans"

La moyenne olympique restera l’étalon, du fait des contraintes réglementaires, l’UE faisant siennes les prérogatives de l’OMC. « Pouvoir bouger la moyenne olympique serait un avantage complémentaire la reforme vivra très bien avec une moyenne olympique qui reste sur cinq ans », assure le ministère.

Sitôt la loi promulguée, potentiellement le 10 février prochain, le ministère a prévu d’organiser une conférence des filières, une sorte de « pré-Codar » pour réfléchir collectivement aux ultimes paramétrages. Une chose est sûre : le projet de loi inscrit dans le marbre la décote de 50% des aides étatiques versées au titre des pertes exceptionnelles pour les agriculteurs n’ayant pas souscrit de MRC. « Une stricte application du règlement européen, simplement rappelée dans la loi », précise le ministère.

Un temps évoqué, on ignore si la taxe complémentaire aux contrats d’assurance sera relevée de 5,5% à 11%, histoire de conforter le financement du dispositif.

Les contours du futur guichet unique, destiné à accélérer les procédures d’indemnisation autant qu’à les clarifier, restent aussi à définir, du fait de la dualité entre assurés et non assurés. Assureurs, DDTM, autres acteurs ? « Les portes restent ouvertes ».

Enfin s’agissant des prairies, le ministère n’a pas tranché sur le choix de l’outil évaluant leur (non) pousse, même si l’Indice de production des prairies (IPP), dit indice « Airbus » car satellitaire, tient la corde. Le cas des non assurés, en situation de pertes exceptionnelles, pourrait contraindre l’Etat à passer par une procédure de marché public.