2020, l’année de trop pour les zones intermédiaires ?

Depuis huit ans, les exploitations en grandes cultures décrochent en terme de résultat par rapport à d’autres secteurs, en particulier dans les zones à faible potentiel agronomique. La profession réclame des aides d’urgence, au risque de voir une partie des agriculteurs déposer le bilan.

Avec une récolte de blé, d'orge et de colza en berne et des rendements très hétérogènes, l’année 2020 vient amputer une nouvelle fois la trésorerie des exploitations. Selon une première estimation, environ 15% des producteurs de grandes cultures dans les zones à faible potentiel agronomique - dites aussi zones intermédiaires - “ne passeront pas l’année” sans aides supplémentaires, fait savoir Sébastien Windsor, président des Chambres d’agriculture.

Ces zones moins productives, qui s’étirent sur une diagonale reliant le Grand-Est à la Nouvelle-Aquitaine, “remontent sensiblement vers le nord avec le changement climatique”, note Sébastien Windsor. Elles subissent des problèmes conjoncturels depuis plusieurs années, qui tendent à se transformer en problèmes structurels. Pour ces exploitations, “il n’y a pas de solution miracle, poursuit-il. Il va falloir une mobilisation collective hors-norme, avec d’abord des mesures de court terme. Les aides directes pour la sécheresse doivent arriver rapidement, car les exonérations sur le foncier non bâti seront loin d’être suffisantes. Nous allons aussi avoir besoin des banques pour augmenter les plafonds de prêts de trésorerie et des garanties de l’Etat”.

Des aides PAC en baisse

“50% des céréaliers ne dégageront aucun revenu cette année”, complète Eric Thirouin, président de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB). Une situation qui s'inscrit dans un contexte déjà tendu depuis huit ans : depuis 2013, les exploitations en grandes cultures (céréales, oléagineux, protéagineux) se situent en dessous de tous les autres secteurs agricoles en matière de Résultat courant avant impôts et après cotisations sociales (RCAI).

Résultat courant avant impôts et après cotisations sociales (RCAI) par type d'exploitation (Source : AGPB)

L’AGPB, qui a rencontré le ministre de l’Agriculture, assure que celui-ci avait été “extrêmement attentif” à leurs demandes. Mais le syndicat craint que les céréaliers soient les grands oubliés du Plan de relance du gouvernement. “On n'a pas été cité, donc j'attends de voir la déclinaison précise”, indique Eric Thirouin, rappelant que “25% de perte sur la récolte de blé, c’est une perte de 2,2 milliards d’euros dans la balance commerciale française par rapport à l’an dernier”.

Davantage d’assurance et d’aides

“Il est indispensable que nous puissions avoir un mécanisme d’assurance plus efficient”, poursuit Éric Thirouin. “L’Union européenne a reconnu la possibilité d’avoir une franchise à 20 %, financée à 70 % par l’Europe. Or actuellement, la France applique une franchise à 30 %, financée à 60 % par l'Europe'', regrette-t-il.

L’AGPB demande aussi un rééquilibrage des aides en faveur des producteurs de grandes cultures, notamment dans ces zones intermédiaires, qui souffrent de la double peine d’avoir des aides moindres et un potentiel de production plus bas. “Aujourd’hui, les aides pour les céréaliers s’élèvent à 220 €/ha en moyenne et à 190 €/ha pour les zones intermédiaires”, indique Eric Thirouin.

La raison est à chercher en partie du côté du paiement redistributif, explique-t-il : “Le paiement redistributif, qui assure une sur-compensation pour les 52 premiers hectares, pénalise ces exploitations en zone intermédiaires, qui ont souvent des surfaces plus élevées que dans d’autres zones de grandes cultures du fait de leur moindre potentiel agronomique”. L’AGPB demande donc à ce que le paiement redistributif soit abaissé à 5 % au lieu de 10 % actuellement. L’AGPB milite également en faveur d’un minimum plancher pour les aides PAC “au niveau de la moyenne des aides européennes, qui se situe à 250 €/ha”.

Des attentes autour de la certification environnementale

A moyen terme, “il faut mettre le paquet sur l’investissement”, complète le président de l’AGPB. A ce titre, le Plan de relance prévoit 250 millions d’euros pour l’investissement en matériel et technologies innovantes, 100 millions d’euros pour le Plan protéines ou encore 400 millions d’euros pour accélérer la transition de l’agriculture à l’agroécologie.

Eric Thirouin regrette que seule la Haute valeur environnementale (HVE, certification de niveau 3) soit mentionnée dans le plan de relance du gouvernement. “Nous visons une certification environnementale de masse des céréaliers, mais pour cela il nous faut un accompagnement aussi pour le niveau 2. Nous avons l’ambition que cette certification de niveau 2 soit une équivalence pour avoir accès à l'éco-schéma de la prochaine PAC”. 

Des moyens pour l’accompagnement

“Pour changer les pratiques, outre l’investissement, il faut accompagner techniquement les agriculteurs”, note le président des Chambres d’agriculture Sébastien Windsor. “Nous serons au rendez-vous”, a-t-il assuré, en rappelant qu’une partie des mesures citées par le gouvernement faisait déjà partie des propositions portées par les Chambres d’agriculture pour sortir de la crise du Covid.

Il enjoint le gouvernement à ne pas baisser le budget alloué aux Chambres, comme cela avait été évité de justesse l’an dernier. “Si, dans le projet de loi de finances il y a une attaque budgétaire sur les chambres, il y a quelque chose que je ne comprendrais pas, a-t-il alerté. Il y aurait une incohérence à mettre un milliard sur l’accompagnement de l’agriculture dans le Plan de relance mais ne pas avoir les moyens de l'accompagner”.