Au robinet, des métabolites de chlorothalonil et de S-métolachlore

Des analyses de l’Anses portant sur l’équivalent de 20% de l’eau distribuée révèlent que 34% des prélèvements d’eau du robinet dépassent la limite de qualité 0,1 µg/litre pour un métabolite du chlorothalonil, fongicide interdit en 2019. Un métabolite du S-métolachlore est, dans une moindre mesure, également pointé par l’Anses, dans un rapport publié le 6 avril.

Le chlorothalonil R471811, métabolite pertinent du chlorothalonil est le composé qui a été le plus souvent quantifié, soit dans 57% des échantillons, avec la plus grande fréquence de dépassement de la limite de qualité de 0,1 µg/l, soit 34% des échantillons. Tel est l’un des résultats de la dernière campagne nationale d’analyse des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) réalisées par l’Anses. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail procède à un tel inventaire tous les trois ans, afin d’objectiver la connaissance des contaminations des ressources en eaux et des eaux traitées pour la production d’eau du robinet. La campagne en question a porté sur 136.000 prélèvements d’eaux brutes et traitées représentatives d’environ 20% de l’eau distribuée, sur tout le territoire français, y compris dans les territoires d’outre-mer. 157 pesticides et métabolites de pesticides, 54 résidus d’explosifs et un solvant étaient dans le viseur de l’Anses.

Un fongicide retiré en mars 2020

Les métabolites sont des produits de la dégradation des substances actives. Ils sont qualifiés de « pertinents » lorsqu’ils possèdent des propriétés intrinsèques comparables à celles de la substance mère en ce qui concerne son activité cible pesticide ou qu’il fait peser par lui-même ou par ses produits de transformation) un risque sanitaire pour les consommateurs. C’est le cas du R471811, métabolite du chlorothalonil, considéré comme cancérogène probable par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). La substance est interdite d’usage en Europe depuis 2019. Le chlorothalonil R471811 a été quantifié dans 60% des échantillons d’eaux brutes et dans 57% des échantillons d’eaux traitées, c’est à dire distribuées au robinet. 34% des échantillons dépassent la limite de qualité fixée à 0,1 µg/litre pour ce métabolite.

Un herbicide banni par l’Anses, moins par le ministère

Au deuxième rang des polluants détectés dans l’eau potable figure le métolachlore ESA, un métabolite du S-métolachlore, classé lui aussi « pertinent » par l’Anses en 2022. Il a été quantifié dans 56% des échantillons d’eaux brutes et dans 53% des échantillons d’eaux traitées. Sa présence dans les eaux de boissons est cependant bien en-deçà de celle du chlorothalonil R471811, avec 1,7% des échantillons au-dessus de la valeur indicative, fixée à 0,9 µg/litre.

Dans un avis publié le 15 février dernier, l’Anses a décidé d’engager la procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques à base de S-métolachlore sur la base des risques de transfert dans les eaux souterraines de trois métabolites problématiques, dont le métolachlore ESA. Une décision qui a fait réagir le ministre de l’Agriculture, qui a rendu publique une missive adressée à l’Anses le 29 mars dernier, et dans laquelle il pointe d’un décalage potentiel « peu compréhensible » de deux ans entre la France et l’UE, cette dernière devant statuer sur son sort au plus tard le 15 novembre 2024 dans le cadre de la procédure périodique de réexamen des substances actives.