Produits phytos : une double impasse et pas de troisième voie

[Edito] Les retraits successifs de molécules exposent toujours un peu plus les agriculteurs à des impasses techniques, hypothéquant la productivité et la viabilité de leur exploitation. Au vu des déboires de la bio, le salut ne passera pas (encore) par le zéro phyto (de synthèse).

Le phosmet sur colza et pommes de terre, les néonicotinoïdes sur betteraves sucrières et bientôt le S-métalachlore pour toute une panoplie de cultures de printemps : en l’espace de quelques mois, plusieurs molécules majeures auront disparu du local phyto et on ne parle que des grandes cultures. Pas question ici de se laisser tenter par un début de discrédit sur les bonnes ou mauvaises raisons de ces retraits successifs, motivés par des impacts sur les pollinisateurs (travailleurs de première ligne de l’agriculture) ou sur la qualité des eaux, y compris de boisson (vitale pour chacun d’entre nous). On ne peut pas convoquer la science pour défendre ses causes (telles les techniques de sélection NBT) et l’incriminer quand elle empêche de pulvériser en rond. On ne peut pas se revendiquer comme la nation ayant l’agriculture la plus durable au monde (en 2018 - la France a reculé depuis - selon The Economist Intelligence Unit) et ignorer les alertes, déplaisantes et handicapantes à court terme.

Facteur de production

Autant de considérations qui ne vont pas résoudre les impasses techniques induites par ces retraits. Faut-il rappeler ici que les produits phytosanitaires sont des facteurs de production (comme les engrais et l’eau), non dénués de risques, que les céréaliers et autres appliquent dans le respect des (nombreuses) règles, pas pour leur bon plaisir mais pour assurer des niveaux de productivité de nature à assurer la viabilité de leur exploitation et la fourniture de denrées sûres à des prix compatibles avec ce que les consommateurs peuvent (ou veulent) payer, avec entre les deux toute une flopée d’aménités en termes d’emploi, d’aménagement et vitalité des territoires, sans oublier l’enjeu de souveraineté alimentaire, le tout en étant challengé mondialement par bon nombre de compétiteurs moins-disants, parfois très près de chez nous ? Ouf.

Zéro résidu, en attendant zéro phyto

Arrêtons-nous sur le consentement des consommateurs à payer et à s’affranchir des intrants de synthèse : depuis maintenant plus d’un an, il montre ses limites, dont la bio, mais pas seulement, fait l’amère expérience, sur fond d’inflation galopante. Dans un rapport publié cette semaine, le think tank Terra Nova formule une vingtaine de recommandations destinées à relancer la dynamique de transition, dans deux directions principales que sont la quête de nouveaux débouchés et l’accessibilité pécuniaire au plus grand nombre. Il déplore également le manque de communication relatif aux impacts bénéfiques de la bio et attend beaucoup, à ce titre, du futur affichage environnemental, annoncé pour la fin de l’année dans le secteur alimentaire, une mention relative aux pesticides de nature à éclairer les consommateurs. Terra Nova dénonce par ailleurs « l’illisibilité des labels qui contribue à la baisse des achats d’aliments bio face à la concurrence croissante de labels verts moins exigeants ». Dans son viseur figure notamment le ZRP, préférant au Zéro résidu de pesticide le zéro pesticide tout court. Une chimère dans l’état actuel de la recherche, publique et privée, et des impératifs de souveraineté.