« Bergère-fromagère à près de 50 ans, sans expérience, c’est possible »

[Tech-Ovin 2023] A Bussière-Poitevine (Haute-Vienne), Florence Rossi trait 70 Manech tête rousse toute l’année et transforme et vend 100% de sa production bio en direct... toute seule... en attendant un ou une associée.

En 2016, Françoise Rossi est âgée de 46 ans et officie en tant que comptable à l’aéroport de Nice (Alpes-Maritimes). Un an plus tard, elle est bergère-fromagère à Bussière-Poitevine (Haute-Vienne) sur une SAU de 27 ha. Elle n’est pas issue du milieu agricole, elle n’a pas d’expérience si ce n’est quelques stages furtifs en exploitations laitières bovines et caprines, en guise de mise en bouche, avant d’entamer le plat de résistance : son installation. « Faut pas hésiter, faut se lancer », lance-t-elle à l’adresse des visiteurs de Tech-Ovin où la Chambre d’agriculture de Haute-Vienne l’a invitée à partager son expérience.

Florence Rossi : « Je travaille énormément mes pâtures, je fais mon propre méteil, je cultive du grand épeautre pour la rumination, je suis très attentive aux fibres »
Florence Rossi : « Je travaille énormément mes pâtures, je fais mon propre méteil, je cultive du grand épeautre pour la rumination, je suis très attentive aux fibres »

« Le métier d’éleveur, c’est beaucoup d’observation », dit-elle, comme pour excuser son déficit de formation et d’expérience. On peut être tenté de gloser. Sauf que.

Deux mamelles : l’observation et prévention

Sept ans plus tard, Florence Rossi a largement fait ses preuves et à tous les niveaux : conduite des pâtures et des cultures, conduite du troupeau, traite, transformation, commercialisation : l’éleveuse coche toutes les cases et décoche toutes ses cartes. « Je travaille énormément mes pâtures, je fais mon propre méteil, je cultive du grand épeautre pour la rumination, je suis très attentive aux fibres ».

"La prévention, c’est capital, d’autant plus en lait où l’on a droit à rien"

Avec l’observation, la prévention est l’autre mamelle de l’élevage. « La prévention, c’est capital, d’autant plus en lait où l’on a droit à rien », dit l’éleveuse, axée sur l’homéopathie et convertie à la bio en 2020. Les minéraux sont un point d’attention particulier, tout comme l’hygiène. « A l’intérieur, à l’extérieur, tout doit être propre », dit Florence Rossi, qui dit passer beaucoup de temps avec ses brebis. « Elles savent me dire quand je suis fatiguée, je sais aussi les écouter ».

Pratiquant le désaisonnement naturel, Florence Rossi trait ses brebis toute l’année. Toute la production est transformée en fromages (frais et tomes), yaourts, desserts lactés et glaces depuis l’an passé. « Je privilégie la qualité à la quantité de lait et je valorise très bien », dit-elle. Actuellement, elle produit bon an mal an 8000 à 9000 litres.

Dans un bassin où les ovins lait pèsent peu par rapport aux ovins viande, l’éleveuse a su capter un marché en déshérence. « Contrairement à une idée courante, le lait de brebis, dont on dit qu’il caille très vite, c’est très complexe, plus que le lait de vache et de chèvre. C’est passionnant ». Les agneaux sont aussi valorisés en direct, sinon en traiteur auprès d’une boucherie. L’éleveuse travaille également avec les plateformes de restauration collective Agrilocal de Vienne et Haute-Vienne.

Le tout prend un peu de temps... « La première année, j’ai fait plus de 400 marchés pour faire connaître mes produits. Je suis un peu folle », concède celle qui a baptisé son EARL « La Brebilière zinzin du Limousin ». Depuis peu, elle est en quête d’un associé, pour travailler un peu moins... mais aussi pour développer d’autres projets. Avis aux « zinzins ».