[Tech-Ovin 2023] L'élevage ovin parmi les plus attractifs... mais pas forcément pour la vie

En lait comme en viande, le secteur ovin est caractérisé par un taux relativement élevé de remplacement des départs. Mais là comme ailleurs, les entrants ne veulent pas forcément en prendre pour une génération. Et en dépit de la dynamique des actifs, le secteur viande décapitalise tandis que le secteur lait se restructure. Tendances.

« Les entrants ne veulent pas s’en prendre pour une génération, donc ils ont des carrières beaucoup plus variées dans le cadre de ce que les sociologues appellent la « banalisation » du métier agricole, un métier que l’on peut adopter et quitter à différents moments de sa carrière professionnelle ». C’est ce qu’a déclaré, au Comité de filière ovine en juin dernier, Christophe Perrot, chargé de mission économie de l’élevage et territoire à l’Institut de l’élevage, en guise de conclusion à sa présentation sur l’évolution de la démographie dans le secteur ovin.

Poursuivant : « En ovin viande, il y a des départs précoces, des carrières courtes : 10% font moins de 4 ou 5 ans, 25% moins de 10 ou 15 ans selon la taille de cheptel. Ce moteur démographique participe au débat sur le renouvellement de la production et des modèles de production, puisqu'on voit se dessiner un certain nombre de contrastes entre les souhaits des nombreux candidats à l’installation et l’offre de fermes à reprendre, et entre les projets agricoles des installés récents et les attentes des filières longues pour approvisionner les outils de transformation, alimenter la population française voire exporter ».

Des taux de remplacement des départs records...

Sur la période 2016-2018, la MSA fait état d’un taux de remplacement des départs de 91% en brebis lait et 94% en brebis viande, soit nettement supérieur à la moyenne de l’ensemble du secteur agricole, qui s’établit à 79%. En bovin lait et bovins viande, les taux de remplacement plafonnent respectivement à 40% et 50%. En ovin lait, les taux de remplacement varient entre 66% et 150% selon les régions. « Malheureusement, les taux de remplacement les plus faibles sont ceux qui correspondent aux plus gros bassins de production, notre Christophe Perrot, ce qui est assez mauvais pour la compétitivité des filières car les nouveaux entrants choisissent de s’installer plutôt ailleurs ».

"Il y a une certaine corrélation à l’échelle de tous les secteurs agricoles entre les secteurs qui remplacent plutôt bien les départs et les secteurs qui attirent des femmes et des jeunes femmes"

L’Institut de l’élevage pointe un autre indicateur révélateur de la dynamique du secteur ovin (et caprin). Depuis 2018, le nombre d’actifs qui se déclarent éleveurs ovin-caprin à la MSA est en augmentation. Le secteur ovin-caprin fait partie des quelques secteurs suffisamment attractifs (avec le maraichage, l’élevage équin...) pour entrainer une hausse des actifs.

... en partie grâce aux femmes

L’Institut de l’élevage fait part d’une corrélation entre le taux de remplacement des départs et le taux de féminisation. « Il y a une certaine corrélation à l’échelle de tous les secteurs agricoles entre les secteurs qui remplacent plutôt bien les départs et les secteurs qui attirent des femmes et des jeunes femmes de moins de 40 ans », indique Christophe Perrot. L’exemple est donné par les éleveurs et éleveuses caprins fromagers fermiers, avec un équilibre quasi parfait en classes d’âge et en sex-ratio. Mais les secteurs ovin lait et ovin viande, sont également bien placés.

Densité et évolution du nombre de brebis viande (Source : Institut de l’élevage)
Densité et évolution du nombre de brebis viande (Source : Institut de l’élevage)

Le secteur viande remplace mieux ses actifs que ses agneaux

Les chiffres du recensement 2020 pointent sur dix ans des chutes de cheptel très fortes dans certains bassins historiques de production ovine, tels que la Vienne et la Haute-Vienne (-35%), l’Allier (-25%) ou encore le Lot (-25%), autant de secteurs fourragers. A contrario, les systèmes pastoraux pyrénéens, méditerranéens et du Sud-Est du Massif central tendent à se maintenir. En 10 ans, le cheptel a perdu 12% de ses effectifs. « En ovin viande, les installations sont nombreuses et diverses mais ne permettent pas le maintien du cheptel global », commente Christophe Perrot.

En viande, 30% des éleveurs recensés en 2020 se sont installés depuis 2010, ce qui fait du secteur ovin viande celui où les agriculteurs sont les plus jeunes dans le métier. En ovin lait, 25% des éleveurs recensés en 2020 se sont installés depuis 2010 et le plus souvent avec la DJA : 53% en ovin lait contre 27% en ovin viande.

Evolution des exploitations et des cheptels laitiers (Source : Institut de l’élevage)
Evolution des exploitations et des cheptels laitiers (Source : Institut de l’élevage)

Lait : restructuration dans les bassins et « nouvelle frontière » hors bassins

Selon l’Institut de l’élevage, la zone de Roquefort a vu le nombre d’exploitations diminuer de 21% entre 2010 et 2020, soit la même proportion que l’ensemble des exploitations agricoles sur la période. Le bassin des Pyrénées-Atlantiques a de son côté perdu 17% d’exploitations et la Corse 13%, ce qui n’a pas empêché, dans les trois cas, le cheptel moyen de s’accroître : 389 contre 344 à Roquefort, 264 contre 233 dans les Pyrénées-Atlantiques, 215 contre 212 en Corse. En moyenne nationale, il s’établit à 293 brebis (cheptels de plus de 25 brebis) contre 275 en 2010. Entre 2010 et 2020, le nombre de brebis laitières est passé de 1.382.696 à 1.277.135, soit une baisse de 7,6%.

Hors bassin, le nombre d’exploitations a bondi de 48% mais le nombre moyen par exploitation baisse (135 contre 158). « Hors bassin, les nouveaux entrants sont dans l’immense majorité des fromagers avec en moyenne 80 brebis laitières », indique Christophe Perrot qui évoque une « nouvelle frontière », permettant aux les fromagers-fermiers de se démarquer dans des zones non traditionnelles.