Biodiversité : rendez-vous en terres d’inconnues

[Edito] Les agriculteurs sont priés d’être proactifs sur la biodiversité, tout en produisant une alimentation saine et en quantité. Mais la biodiversité recèle son lot d’inconnues, tout comme ses liens avec les pratiques agricoles, dont beaucoup sont au stade de la recherche.

« L’agriculture devrait contribuer à la protection et à la restauration de la biodiversité ». Mais aussi : « la biodiversité est essentielle pour garantir la sécurité alimentaire dans l’Union ». Dans une résolution adoptée le 8 juin, le Parlement européen dresse ses objectifs en matière de protection de la biodiversité à horizon 2030 et réaffirme ces constats : la biodiversité est indispensable à l’agriculture, et l’agriculture doit contribuer à maintenir et développer la biodiversité sur les territoires.

Dans la lignée des propositions du Pacte vert (« Green deal ») de la Commission européenne, les eurodéputés fixent comme objectifs le développement de l’agriculture bio sur un quart de la surface agricole en 2030, la réduction de l’usage des pesticides de 50% et de celui des engrais de 20%, la mise en place de 10% de zones à « haute diversité bénéfiques pour la biodiversité » (haies, bandes tampons, jachères…), ou encore l’interdiction du glyphosate en 2022.

Un manque d’évaluation

Quelles seront les conséquences de la mise en œuvre de ces politiques ? Dans sa résolution, le Parlement « demande à la Commission de fonder toute proposition législative sur une analyse d’impact exhaustive qui tienne compte […] des répercussions sur la durabilité sociale et économique des secteurs pertinents, sur la sécurité alimentaire et les prix des denrées alimentaires ». Une demande saluée par le Copa, qui réclame de telles études d’impact depuis plus d’un an. « Ne pas évaluer les conséquences d’une initiative politique aussi importante que le Green deal et sa stratégie biodiversité est un échec majeur de l’Union européenne », tacle dans un communiqué le syndicat agricole majoritaire de l’UE, pour qui, « une fois encore, l’agriculture et la sylviculture sont au cœur d’une stratégie européenne et, une fois encore, nous avons devant nous des objectifs irréalistes, totalement déconnectés des réalités sur le terrain. »

Des références à acquérir

Les agriculteurs sont priés d’être proactifs sur la biodiversité, comme sur l’atténuation du réchauffement climatique. Mais en matière de biodiversité, bon nombre de références restent encore à acquérir. Ainsi, tout le monde s’accorde sur les bénéfices des haies ou des bandes enherbées, mais les références permettant d’objectiver les gains sur la biodiversité ne sont pas légion. « Aujourd’hui, face à l’ampleur de ce sujet, il manque toujours des références et des connaissances scientifiques », a reconnu Stéphane Jezequel, le directeur scientifique d’Arvalis, à l’occasion de la journée internationale de la biodiversité le 22 mai. Et pourtant, l’institut technique travaille sur le sujet depuis plus de 30 ans.

« Il ne s’agit pas seulement de valider l’intérêt des couverts végétaux et des éléments pérennes du paysage, mais de déterminer, par exemple, quelles espèces dans les bandes fleuries, quelle longueur de haies, quelles pratiques culturales sont bénéfiques sans qu’elles ne pénalisent la production et le revenu des producteurs », indique-t-il encore. La recherche est donc encore une fois appelée à la rescousse afin d’acquérir des connaissances précises et de les diffuser vers les agriculteurs. Mais le temps long de l’agriculture et de la recherche est totalement déconnecté des objectifs politiques. Face à la quantité d’inconnues concernant la biodiversité, l’horizon 2030 n’a jamais été aussi proche.