Chèque alimentaire (3/3) : « Nous producteurs, on ne sait plus faire avec une alimentation au rabais »

La FNSEA défend la mise en place d’un chèque alimentaire de 150 euros mensuels en produits agricoles français au bénéfice des 5 à 8 millions de personnes en situation de pauvreté. Promis par Emmanuel Macron, attendu pour l’automne par le syndicat, son instauration permettrait de décorréler le pouvoir d’achat alimentaire des Français de celui des plus démunis. Entretien avec Yannick Fialip, président de la commission économique de la FNSEA.

A quand remonte l’idée d’un chèque alimentaire à la FNSEA ?

Yannick Fialip : l’idée remonte à 2015 et à la crise économique qui pèse alors sur les prix des produits agricoles. Alors que l’alimentation perd de la valeur depuis des décennies, on nous demande encore, à nous producteurs, de faire des efforts de compétitivité pour permettre à 6 ou 7 millions de personnes qui vivent alors sous le seuil de pauvreté d’avoir accès à une alimentation suffisante alors que pour les 60 autres millions de Français, la question relève d’un arbitrage dans leur budget.

Yannick Fialip, président de la commission économique de la FNSEA : « Il en va aussi de la souveraineté alimentaire de notre pays : avec le chèque alimentaire, on garantit un meilleur prix pour nos producteurs, la durabilité de notre agriculture et le renouvellement des générations » (Crédit photo : FNSEA)
Yannick Fialip, président de la commission économique de la FNSEA : « Il en va aussi de la souveraineté alimentaire de notre pays : avec le chèque alimentaire, on garantit un meilleur prix pour nos producteurs, la durabilité de notre agriculture et le renouvellement des générations » (Crédit photo : FNSEA)

Quel serait le montant du chèque alimentaire ?

Yannick Fialip : on table sur un chèque de 150 euros par mois, ciblant des personnes pour lesquels le reste à vivre pour s’alimenter est de 5 à 6 euros par jour, ce qui permettrait de doubler leur pouvoir d’achat alimentaire. La France est un grand pays agricole et nous producteurs, cela nous interroge de constater que des mamans élevant seules leurs enfants ou que des étudiants n’ont pas accès à une alimentation en quantité suffisante.

Quels produits et quels circuits seraient ciblés ?

Yannick Fialip : nous ciblons des produits végétaux et animaux, des produits locaux et français, mais sans plus de restriction s’agissant des signes de qualité ou des circuits de distribution. Nous savons pertinemment qu’une partie de la population ciblée par le chèque alimentaire est située dans les villes et à leur périphérie, et fréquente les grands centres de distribution. Les magasins de producteurs, les épiceries locales mais aussi les grandes surfaces seraient concernées, tout comme les petits commerçants dans les zones rurales, en lien avec les Centres communaux d’action sociale.

Quel budget l’Etat doit-il allouer au chèque alimentaire ?

Yannick Fialip : à raison de 150 euros mensuels par foyer, on est sur 3 à 5 milliards d’euros par an pour un bien essentiel qu’est l’alimentation. Le bouclier électrique, c’est 9 milliards d’euros, soit le double. La guerre en Ukraine nous démontre aussi que l’alimentation est un bien fragile. Les ruptures d’approvisionnement sur certains produits doivent nous interroger. On importe un poulet sur trois alors que l’on était autosuffisant il y a 10 ans, on importe un agneau sur deux, un fruit sur deux. Il en va aussi de la souveraineté alimentaire de notre pays. Avec le chèque alimentaire, on garantit un meilleur prix pour nos producteurs, la durabilité de notre agriculture et le renouvellement des générations.

Que pense la grande distribution de votre initiative ?

Yannick Fialip : on a davantage essayé de convaincre les ministères de l’Agriculture, de l’Économie et des Solidarités que la grande distribution. Ce que l‘on constate, c’est que la guerre des prix n’a pas enrayé la pauvreté mais qu’elle en rendu les agriculteurs de plus en plus pauvres et de moins en moins nombreux. Il faut changer de logique et redonner de la valeur à notre alimentation, qui ne concentre que 11% ou 12% du budget des ménages. C’est à ce prix que l’on garantira la souveraineté alimentaire de notre pays, que l’on confortera notre développement économique, que l’on offrira des emplois aux personnes les plus défavorisées et qu’au final, on reconnectera toute la population à notre agriculture. Il ne faut surtout pas toucher aux outils des lois Egalim mais régler le problème des plus démunis par un autre schéma qu’est le chèque alimentaire et une vraie politique alimentaire dans notre pays. Nous producteurs, on ne sait plus faire avec une alimentation au rabais.

Le chèque alimentaire, c’est pour quand ?

Yannick Fialip : on espère qu’il sera instauré dans les mois à venir, en tout cas avant l’hiver, une saison qui accentue la vulnérabilité des personnes les plus fragiles. Nous allons profiter des élections législatives pour remettre la pression sur les politiques.

Tous les articles de la série :

Chèque alimentaire (1/3) : le « check » de la Convention citoyenne sur le climat

Chèque alimentaire (2/3) : les quatre enjeux du futur dispositif

Chèque alimentaire (3/3) : « Nous producteurs, on ne sait plus faire avec une alimentation au rabais »