Climat et parasites : un cocktail lourd de menaces

[Edito] Le changement climatique exacerbe la pression de multiples agents pathogènes, compromettant la viabilité de certaines productions animales et végétales, toujours plus désarmées. Dans le vignoble bordelais, c’est un parasite plus que centenaire qui s'en trouve revigoré comme jamais.

« Subtropical » : c’est l’adjectif employé par le président du syndicat des AOC Bordeaux pour décrire l’épisode météorologique qui a affecté la Gironde au cours de la seconde quinzaine de juin. Les pluies persistantes alliées à des températures élevées, mais non caniculaires, ont déclenché une flambée de mildiou que de nombreux viticulteurs ne sont pas parvenus à circonscrire. Le mildiou et Bordeaux, c’est une vieille histoire, remontant à 1879, année où le champignon est signalé pour la première fois en France. Mais pour les observateurs, le changement climatique à l’œuvre est sans conteste un facteur aggravant, qui se manifeste par des attaques plus fréquentes et/ou plus intenses.

Acclimatation et sédentarisation des pathogènes

Le couple vigne-mildiou n’est pas une exception. En arboriculture, les exemples sont légion : émergence précoce de ravageurs tels que tordeuses et arpenteuses, augmentation du nombre de générations du carpocapse des pommes et de la mouche asiatique des cerises, sédentarisation de noctuelles jusqu’alors migratrices, acclimatation d’organismes nuisibles d’origines tropicales ou subtropicales telles que la mouche méditerranéenne des fruits, émergence d’insectes xylophages tels que scolytes et capricornes tirant profit du stress physiologique induit par la chaleur et la sécheresse. Car aux facteurs biotiques se surajoutent des facteurs abiotiques tels que brulures, nécroses, asphyxie...

L’élevage pas épargné

Les animaux d’élevage ne sont pas épargnés. En mai dernier, l’Anses signalait l’irruption en Espagne et en Italie de la maladie hémorragique épizootique, maladie virale notamment présente en Afrique et potentiellement mortelle pour les bovins, en établissant un lien avec le changement climatique. Sur un autre couple animal-pathogène qu’est l’Influenza aviaire, l’Anses impute au réchauffement climatique la modification des trajectoires migratoires de la faune sauvage, avec les conséquences suivantes. La contraction des espaces au sein desquels les migrateurs peuvent se reposer et la raréfaction des zones humides, favorisent une moindre migration vers le sud et une plus grande densité aux mêmes points de repos, augmentant le risque de contamination. Selon l’Anses, ce phénomène pourrait participer à l’érosion du caractère saisonnier de la bi-transmission à partir du réservoir de la faune sauvage.

Menaces existentielles

La virulence de l’Influenza aviaire fait courir une menace existentielle aux filières avicoles, au point que la France a initié un processus de vaccination, aussi lourd qu’inédit. A Bordeaux, l’épidémie de mildiou pourrait porter un coup fatal à certaines exploitations, déjà fragilisées par la crise économique affectant les vins rouges d’entrée de gamme. Le scénario est d’autant plus cruel que les viticulteurs bordelais ont enclenché une réelle dynamique de sortie des produits phytosanitaires les plus critiques au plan toxicologique. De gré ou de force ; en dix ans, le nombre de substances actives bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché a chuté de 25%. En Gironde, près d’un quart du vignoble est converti ou en passe d’être converti en bio. Mais les méthodes alternatives sont souvent d’une efficacité moyenne et variable, complexes à insérer dans les itinéraires techniques et en général plus chères que les produits de synthèse. Les viticulteurs bordelais en font la douloureuse expérience.