Mildiou à Bordeaux : « En une semaine, on est passé de quelques tâches à la quasi-destruction de récolte sur certaines parcelles »

L’attaque a pris de vitesse les viticulteurs, engagés dans la sortie des fongicides les plus problématiques aux plans toxicologique et écotoxicologique. La Chambre d’agriculture et l’IFV, dans le cadre du Vinopôle Bordeaux-Aquitaine et de l’UMT SEVEN, pilotent une enquête pour comprendre les ressorts d’une épidémie déclenchée par des phénomènes climatiques exceptionnels. Encore que...

« On ne connait pas encore l’impact sur les rendements mais ce que l’on sait, c’est que 90% des parcelles dites de référence ont été touchées, avec des pourcentages d’attaque faibles dans certaines parcelles et certains secteurs, jusqu’à la destruction de la récolte dans d’autres ». Tel est le constat dressé en date du 10 août par Séverine Dupin, responsable du département recherche et développement à la Chambre d’agriculture de Gironde.

A Bordeaux, le mildiou n’est pas un passager clandestin mais l’ampleur de l’attaque a surpris tant les vignerons que leurs conseillers, avec comme dernier maitre-étalon en date l’année 2018. « On est sur la même dynamique de contamination sur les parcelles témoins non traitées, poursuit la responsable. Mais sur les parcelles traitées, l’année 2023 se singularise par l’ampleur et l’étendue géographique des attaques ».

Les produits et/ou les conditions d’applications sont-ils en cause ? « Accompagnés par les conseillers, les viticulteurs ont fait d’énormes progrès en termes de qualité d’application, défend Séverine Dupin. En ce qui concerne les produits, il y a à Bordeaux une réelle dynamique de sortie des produits classés cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques, au profit entre autres de produits homologués en bio ou relevant du biocontrôle. Ces derniers sont souvent des produits de contact, à renouveler régulièrement, ce qui peut s’avérer limitant dans des conditions exceptionnelles telles que celles que l’on connaît cette année ».

"Je pense qu’il doit y avoir un lien de cause à effet entre le changement climatique et la virulence des attaques de mildiou"

C’est au cours de la seconde quinzaine de juin que s’est fomentée l’attaque du mildiou, avec la combinaison de stades phénologiques critiques en termes de sensibilité au champignon, de températures élevées mais non caniculaires et de précipitations continues, propices aux contaminations et au lessivage des applications, quand les conditions de portance autorisaient le passage du pulvérisateur.

Symptômes de rot gris sur grappes (Crédit photo : Dominique Dochier - Chambre d’agriculture de la Gironde)
Symptômes de rot gris sur grappes (Crédit photo : Dominique Dochier - Chambre d’agriculture de la Gironde)

Le changement climatique porte-t-il une part de responsabilité ? « Le climat change et devient plus chaotique, souligne la responsable. Il n’y a pas si longtemps, on avait des hivers assez humides et des étés alternants soleil et orages. A présent, on peut avoir des hivers plutôt secs suivis de grosses pluies au printemps, avec des épisodes de gel et de grêle. Je pense qu’il doit y avoir un lien de cause à effet entre le changement climatique et la virulence des attaques de mildiou ».

 23% du vignoble bordelais en bio

Pour comprendre les ressorts de cette attaque inédite, la Chambre d’agriculture et l’IFV, accompagnés par de nombreux partenaires du secteur, ont lancé début août une enquête auprès des viticulteurs, ouverte à l’ensemble des exploitants de Nouvelle-Aquitaine. Elle devrait notamment éclairer l’impact du mildiou selon le mode de production (Le bio a-t-il été plus touché que le conventionnel ou pas ?) ou le secteur géographique. Selon l’Agence bio, la Gironde est le premier département viticole français engagé en bio, avec près de 1.300 exploitations couvrant plus de 27.200 ha, soit 23 % du vignoble. Fin 2022, plus de la moitié de ces surfaces étaient en conversion (14.400 ha) dont 2358 ha en première année.

L’attaque de mildiou tombe intervient au moment où une partie de la production bordelaise pâtit de la mévente des vins rouges, au point que près de 9300 ha pourraient disparaître du paysage, à la faveur d’un plan d’arrachage co-construit par le ministère de l’Agriculture, la Région Nouvelle-Aquitaine et le CIVB.