Climat : l’agriculture toujours dans la course, mais...

Selon le dernier rapport du Haut conseil pour le climat, l’agriculture a réduit ses émissions au rythme fixé par la Stratégie nationale bas carbone. Mais elle va devoir infléchir plus sévèrement le courbe pour tenir la trajectoire de neutralité carbone. La déforestation importée est notamment dans le viseur.

Quelques jours après la présentation, par le ministère de l’Agriculture, de son Plan national d’adaptation de l’agriculture au changement climatique (PNACC), à destination du Haut conseil pour le climat (HCC), ce dernier sort son rapport annuel 2021, rendant compte de la trajectoire carbone de la France, tous secteurs confondus.

Bonne nouvelle : en 2019, les émissions de l’agriculture ont baissé de 1,2% en 2019 par rapport à 2018, soit -1 million de tonnes "équivalent CO2" (Mt éqCO2). L’agriculture a respecté son budget carbone indicatif de 2019 et elle devrait respecter celui de 2020. Tel est le satisfecit délivré par le HCC, l’instance indépendante chargée d’éclairer et de juger la politique du Gouvernement en matière d’adaptation et d’atténuation du climat.

Le HCC formule ses jugements en se référant aux objectifs inscrits dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui formalise l’engagement de la France à lutter contre le changement climatique, avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. La SNBC établit ainsi des budgets carbone par période (2015-2018, 2019-2023, 2024-2028, etc.), fixant des plafonds d’émissions de gaz à effet de serre (GES) à ne pas dépasser pour atteindre l’objectif de neutralité.

Les enseignements de 2019

En agriculture, l’élevage est responsable de 48% des émissions de GES, devant les cultures (40%) et les besoins en énergie et carburant (12%).

En 2019, la baisse des émissions est plus forte dans l’élevage (-0,7 Mt éqCO2) que la culture (-0,3 Mt éqCO2). La baisse du méthane (CH4) constatée est principalement liée à la baisse du cheptel bovin (-2,4 % entre 2018 et 2019). La baisse du protoxyde d'azote (N2O) s’explique par une baisse de l’azote minéral épandu (-1,8 % entre 2018 et 2019) et la baisse du cheptel bovin. Cette baisse est en partie contrebalancée par une hausse de l’azote apporté par les résidus de culture en lien avec la hausse de production en céréales entre 2018 et 2019 (+16% en blé, + 22% en orge). La baisse du dioxyde de carbone (CO2) est principalement liée à la diminution des amendements de calcaire et de dolomie.

Évolution des émissions de méthane en agriculture (Source : HCC)
Évolution des émissions de méthane en agriculture (Source : HCC)

Accélérer le rythme

En dépit de résultats conformes à la trajectoire, le HCC indique que le rythme de décarbonation dans l’agriculture va devoir s’accélérer dans les années à venir, pour s’établir respectivement à -1,3 % et -1,6 % par an pour les troisième (2024-2028) et quatrième (2029-2033) budgets carbone.

« L’ambition de décarbonation portée par le secteur reste faible et le rythme de réduction est insuffisant au vu des enjeux à venir, rélève le HCC. Depuis 1990, le poids du secteur dans les émissions totales a augmenté de deux points de pourcentage, reflétant ainsi sa difficile décarbonation la réduction des émissions (...) La capacité de stockage net des prairies permanentes, des haies, des prairies arbustives et des bosquets, n’atteint plus que la moitié de leur potentiel des années 1990 (...) La poursuite des tendances actuelles en matière d’artificialisation à l’horizon 2050 pourrait conduire à un déstockage cumulé équivalent à 75 % des émissions annuelles de 2015 ».

Le HCC pointe par ailleurs une faiblesse structurelle de l’agriculture française, résidant dans sa dépendance au soja, synonyme de déforestation importée. La France importe 3 millions de tonnes de soja par an. Avec l’huile de palme intégrée dans le biodiesel, 27 Mt éqCO2 seraient ainsi à ajouter à l’empreinte carbone de la France. Un chiffre à rapporter aux 83 Mt éqCO2 émises par l’agriculture.

Trajectoire des émissions agricoles et objectifs à l’horizon 2033 (Source : HCC)
Trajectoire des émissions agricoles et objectifs à l’horizon 2033 (Source : HCC)

Haro sur les politiques publiques

Le Haut conseil pour le climat juge sévèrement les politiques publiques agricoles en matière d’adaptation et d’atténuation du climat, à commencer par la Pac, « une opportunité majeure pour l’atténuation des émissions de GES et le stockage de carbone ». « Le Plan stratégique national pour la future Pac doit évoluer afin d’augmenter l’ambition des mesures d’écorégime pour l’atténuation du changement climatique. Au-delà des incitations économiques destinées aux agriculteurs, il est nécessaire d’envisager plus largement les transformations systémiques en mettant en œuvre des mécanismes engageant également les acteurs du conseil, de la coopération, de la transformation et de la distribution ».

A propos du Plan de relance, le HCC estime que les mesures dédiées au secteur agricole et favorables au climat ne représentent au plus que 1,5 % de son budget.

Les politiques publiques ne sont pourtant pas avares d’ambitions climatiques : projet de loi Climat et résilience (possible régime de taxation sous conditions des engrais azotés à partir de 2024, zéro artificialisation nette en 2050), Plan protéines végétales (objectif de 8% de SAU en légumineuses en 2027), développement des Projets alimentaires territoriaux (PAT), expérimentation de l’affichage environnemental, Programmation pluriannuelle de l’énergie (révisée à la baisse pour le biométhane...).

Le Plan national d’adaptation de l’agriculture au changement climatique (PNACC) fera-t-il office de contre-feu ?