Coupable, victime, salvatrice : l’agriculture face au changement climatique

Face aux engagements et obligations climatiques portés par la France, le ministère de l’Agriculture a transmis au Haut conseil pour le climat son Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC).

Coupable, victime et salvatrice : tel est le statut de l’agriculture face au défi climatique. Coupable parce que l’agriculture est responsable d’environ 20% des émissions de gaz à effet de serre. Victime parce que l’agriculture travaille à ciel ouvert et qu’elle n’est en rien prémunie contre l’incidence, croissante, des aléas climatiques. Salvatrice parce que l’agriculture est une partie de la solution, du fait de sa capacité à stocker le carbone. Une preuve ? En augmentant, chaque année, de 4‰ (0,4%) au plan mondial le stock de carbone dans les sols, on compenserait les émissions de C02 émises dans le même temps par l’Humanité. Gare à ne pas s’enflammer. Dans un pays comme la France, le taux de 4‰ ne compenserait que 12% des émissions de gaz à effet de serre (GES). On comprend pourquoi le premier axe du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) du ministère de l’Agriculture concerne la réduction des émissions...

Moins d’émissions

Pour réduire les émissions, le ministère a répertorié quatre leviers. Il s’agit d’abord de réduire les surplus azotés (performance des matériels d’épandage et des bâtiments) d’optimiser l’usage des fertilisants organiques (recours aux matières issues du recyclage) et de diminuer le recours aux fertilisants minéraux. Sur ce point, l’étau est promis à se resserrer sous le double effet de la Loi climat et résilience, en cours d’examen, et de la révision imminente du Programme d’actions national nitrates (PAN), dans le cadre de la directive nitrates. Le PAN, 7ème du nom, va déboucher sur des arrêtés de désignation des zones vulnérables en septembre prochain, précédant les arrêtés régionaux en septembre 2022. Les trois autres axes du volet émissions touchent à la réduction de la consommation d’énergie fossile et à la valorisation des effluents pour produire de l’énergie, au développement des légumineuses contribuant à réduire la fertilisation azotée dans les rotations et la déforestation importée et enfin au développement des surfaces AB et HVE.

Plus de séquestration

Le secteur agriculture-forêt-bois absorbe environ 6,7 % des émissions annuelles de GES, principalement du fait du puits forestier. Le but de ministère est de renforcer ce pouvoir de séquestration, en augmentant la couverture des sols (surfaces en prairies permanentes ; surfaces en cultures intermédiaires pièges à nitrates), en développant les infrastructures agroécologiques (haies, agroforesterie), en mobilisant les surfaces agricoles et forestières en faveur du stockage de carbone et en rétribuant les efforts d’atténuation via le Label bas carbone (LBC) et les crédits carbone. La France entend aussi peser au plan international en faisant la promotion de l’initiative 4‰ et en faisant des clauses miroirs un marqueur de sa présidence de l’UE au premier semestre 2022.

Changer de régime (alimentaire)

Troisième axe : le ministère entend soutenir la demande et la consommation en produits alimentaires vers des pratiques à moindre impact environnemental, en lien avec le Programme national de l’alimentation et de la nutrition (PNAN). Concrètement, il s’agit d’accompagner et de soutenir la restauration collective pour atteindre les objectifs de la loi EGAlim (approvisionnements de qualité, lutte contre le gaspillage alimentaire, diversification des sources de protéines, substitution du plastique), de soutenir l’accès des personnes modestes ou isolées à une alimentation locale et de qualité, de faire évoluer les pratiques alimentaires vers des régimes alimentaires plus sains et plus durables (diversification des sources de protéines, étiquetage caractéristique environnemental) et enfin de réduire le gaspillage.

Accompagner l’adaptation des filières

Selon le ministère, les filières agroalimentaires et forestières sont déjà particulièrement affectées par le changement climatique, qui entraîne des modifications des régimes pluviométriques et des températures, avec comme principale manifestation l’avancement des calendriers culturaux, le changement de la disponibilité de la ressource en eau, et l’augmentation des événements extrêmes, d’origine météorologique comme sanitaire ou phytosanitaires, menaçant les végétaux et les animaux. Face à ces périls, le ministère entend améliorer les stratégies de gestion de risque liés aux aléas climatiques, explorer et soutenir les leviers destinés à accroitre la résilience de l’agriculture (sols, variétés, pratiques culturales et d’élevage, les infrastructures agroécologiques, efficience de l’irrigation) et enfin légiférer sur la gestion partagée de la ressource en eau (sécurisation des Projets de territoire et de gestion de l’eau, stratégies de mobilisation des gisements d’eau). C’est l’objet du Varenne de l’eau et du climat.

Décarbonation bien ordonnée...

Les deux derniers axes du Plan national d’adaptation au changement climatique concernent la recherche et l’enseignement. Le ministère entend stimuler la recherche de solutions opérationnelles permettant à l’agriculture et aux systèmes alimentaires de contribuer à l’atténuation du changement climatique, tout en anticipant les besoins d’adaptation. Il Assurer l’intégration des enjeux du changement climatique dans les priorités de l’enseignement agricole entend également assurer l’intégration des enjeux du changement climatique dans les priorités de l’enseignement agricole. Dernier axe du ministère : développer des pratiques éco-responsables au sein de sa propre administration. Décarbonation bien ordonnée...