Compétitivité des filières (6/10) : le lait sur un nuage

En dehors du beurre, les produits à base de lait de vache sont crédités de très bonnes performances à l’export. Pour se maintenir dans le haut du tank, il faudra préserver le potentiel de production et assurer la valorisation et les débouchés des produits ultra-frais.

Dans son cahier thématique consacré à la filière lait de vache, où FranceAgriMer décrypte les ressorts la compétitivité du secteur agroalimentaire, il faut y regarder à deux fois pour y trouver des éléments critiques. Tout juste peut-on relever le « poids important des impôts à la production, qui pèsent plus que les facteurs de coût du travail dans la compétitivité ». Côté industriel, le vieillissement des installations et faiblesse des investissements sont pointés du doigt. « Certains outils industriels, les tours de séchage notamment, mériteraient d’être renouvelés mais certaines entreprises font face à des difficultés et leurs ratios ne leur permettent pas d'investir correctement ». L’impossibilité de facturer en euros pour certains clients qui ne disposent pas de réserve de change est également citée. Les acteurs de la filière s’inquiètent aussi pour leurs débouchés chinois, « très challengés par les pays tiers tels que États-Unis ou la Nouvelle Zélande ». Bref, rien de dramatique.

Les produits laitiers sur le podium

Il faut dire que la filière fait partie des bons élèves de la balance commerciale agricole et agroalimentaire, avec un excédent, de 3,3 milliards d’euros dont 2,8 milliards d’euros avec les pays tiers et 426 millions d’euros avec l’Union européenne. La filière a connu une phase de croissance entre 2004 et 2014, passant de + 2,23 milliards d’euros à + 3,80 milliards d’euros, grâce au développement des exportations, vers l’Union européenne dans un premier temps, puis vers les pays tiers. Depuis 2014, la balance commerciale s’est cependant contractée, retombant à + 2,91 milliards d’euros en 2018, avant de remonter en 2019. Les produits laitiers sont, derrière les vins et spirituels et les céréales, le troisième contributeur positif à la balance commerciale dans le secteur agricole et agroalimentaire.

Parmi tous les produits de la catégorie (lait liquide, beurres et crèmes, produits ultra-frais, fromages, poudres et ingrédients...), seul le beurre fait mauvaise figure, avec un déficit structurel, équivalent à 626 millions d’euros en 2018, la France ne produisant pas suffisamment de matières grasses solides pour couvrir ses besoins, par ailleurs en hausse.

Réglementation : le pour et le contre

On retrouve avec la filière une critique commune à l’ensemble du secteur agricole et agroalimentaire, à savoir « l’impression de surenchère réglementaire spécifiquement française ». Mais la médaille à son revers, pour le coup positif. « La haute exigence du dispositif réglementaire national, notamment sanitaire, est un gage de confiance pour les clients notamment à l’étranger. Les produits laitiers français ont de fait une bonne image de marque sur le marché mondial », reconnaissent les professionnels, qui regrettent par ailleurs les défauts de réciprocité, avec « le sentiment d’une distorsion de concurrence vis-à-vis de certaines importations ».

La manque d’harmonisation des dispositions réglementaires sur le territoire national est également pointé du doigt, avec une variabilité de l'application de la règlementation d'un département à l'autre.

Des points de vigilance

Parmi les autres points de vigilance figurent le problème de disponibilité des reefers (conteneurs frigorifiques) et les difficultés d’acheminement à partir de certains ports français, pour des motifs administratifs ou en raison de perturbations « fréquentes et régulières » des services. Ces éléments sont susceptibles d’engendrer des surcoûts et des pertes de marché.

Plus fondamentalement, la compétitivité et les performances de la filière sont suspendues à l’offre de matière première. « Le maintien de cette disponibilité aura une influence dans les années à venir sur la capacité de la filière laitière française à conserver son rang mondial, aujourd’hui une des plus performante et avec une capacité exportatrice significative. Les choix stratégiques d’orientation de la production, vers des produis de grande consommation ultra-frais, de plus grande valeur ajoutée mais ne pouvant pas être exportés sur de longues distances du fait de durée de vie courte et de contrainte logistiques, seront également déterminants ».