Compétitivité des filières (8/10) : le vin... sur vingt

La France est le premier exportateur mondial de vins et spiritueux, qui sont les premiers contributeurs à la balance commerciale du secteur agroalimentaire. Rien à redire, si ce que le secteur masque la faiblesse... d’autres filières.

+10,5 milliards d’euros en 2016, +11,5 milliards d’euros en 2017, +11,7 milliards d’euros en 2018, +12,7 milliards d’euros en 2019 : depuis quelques années, le solde commercial des vins et spiritueux dépasse allègrement les 10 milliards d’euros. La filière figure ainsi au 1er rang du secteur agricole et agroalimentaire, loin devant les céréales (+6,2 milliards d'euros), les produits laitiers (+2,9 milliards d'euros), les animaux vifs (+1,7 milliard d'euros) et le sucre (+0,7 milliard d'euros). Tous secteurs économiques confondus, les vins et spiritueux se situent au deuxième rang des excédents de la balance commerciale de la France, derrière l’aéronautique. Même en 2020, année largement parasitée par le Covid, la filière a enregistré un solde positif de 11 milliards d’euros. Mais pendant ce temps, l’excédent agroalimentaire français chutait de 18,2%, pour s’établir à 6,3 milliards d’euros contre 7,9 milliards d’euros en 2019. Depuis quelques années, sans les vins et spiritueux, la balance commerciale du secteur agroalimentaire serait déficitaire, ce qui a déclenché, en 2019, une alerte de la  Commission des affaires économiques du Sénat, qui s’inquiète des menaces portées à notre souveraineté alimentaire.

Une filière très compétitive à l’export

A la demande du ministère de l’agriculture, FranceAgriMer a réalisé un diagnostic destiné à caractériser la dégradation du solde commercial et l’érosion de la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires françaises au cours des quinze dernières années. S’agissant de la filière vins et spiritueux, le diagnostic s’est limité aux vins. Sa conclusion est la suivante : « malgré d’évidentes marges de manœuvre et des leviers de croissance à actionner, la filière demeure très compétitive à l’export. À ce titre, parmi l’ensemble des facteurs de compétitivité jugés déterminants par la filière, les barrières tarifaires, sanitaires ou non sanitaires, et l’existence d’accords commerciaux permettant de supprimer les différenciations de droits de douanes sont deux facteurs sur-déterminants ».

Des vins plus que tranquilles

Entre 2004 et 2019, la balance commerciale de la France pour les vins tranquilles a très fortement progressé. Déjà très excédentaire en 2004 à 3,3 milliards d’euros, elle atteint 5,6 milliards d’euros en 2019, soit une augmentation de 69 %. C’est la croissance des exportations de vins tranquilles en valeur, en particulier le poids des vins AOP, notamment à destination des pays tiers, qui explique très majoritairement le développement de l’excédent. La balance commerciale des exportations françaises de vins tranquilles vers les partenaires européens est quant à elle restée stable sur la période.

Toutefois, la part de marchés des exportations françaises de vins tranquilles est passée de 35% en 2004 à 31% en 2019 quand dans le même temps, celle de l’Italie, principal concurrent et 2ème exportateur mondial, a augmenté en valeur (18 % en 2004 à 20 % en 2019). Cette contraction française s’explique notamment par la baisse des importations enregistrée chez les cinq premiers clients de la France, à savoir les États-Unis (première destination des vins français en valeur à 19,8%), le Royaume-Uni (12,8%), l’Allemagne (7,9%), le Japon (5,9%) et la Belgique (5,9%). Autre explication : l’écart se creuse entre le prix moyen à l’export des vins français, toujours mieux valorisés, et celui de la moyenne gamme des principaux marchés cibles de la France. Or c’est le segment où la demande est la plus dynamique, relève FranceAgriMer.

La France a par ailleurs des difficultés à satisfaire la demande en vins sans IG (indication géographique), à la fois sur son propre marché, mais aussi sur ses marchés d’exportation, par manque de disponibilités de vins entrée de gamme. La majeure partie des volumes importés correspond à des vins en vrac sans IG de l’UE, sans mention de cépage.

Des effervescents... effervescents

L’excédent commercial de la France pour les vins effervescents s’est également très largement développé, en passant de 1,8 milliard d’euros en 2004 à 3,4 milliards d’euros en 2019. Le Champagne, qui représente 89 % des valeurs exportées, porte cette croissance. Comme pour les vins tranquilles, les exportations à destination des pays tiers progressent très fortement. Quant à la balance commerciale vers les partenaires européens, elle croit dans une moindre mesure.

Bien que très inférieures aux valeurs exportées, les importations françaises de vins effervescents progressent significativement, passant de 24 millions d’euros en 2004 à 87 millions d’euros en 2019. Cette poussée est portée d’une part par les Cava qui ont développé leurs exportations vers le marché français mais surtout depuis 2016 par le Prosecco, qui prend des parts de marché au Cava dans les importations françaises de vins effervescents. L’Italie se positionne en 2019 comme la première provenance des importations françaises de vins effervescents, avec 61 % de part de marché en valeur, contre 30 % en 2004.

Points de vigilance

Dans ce travail d’introspection que constitue de l’analyse des ressorts de compétitivité par FranceAgriMer, les acteurs de la filière ont souligné, comme points de vigilance, le coût de la main d’œuvre (sur les vins d’entrée de gamme), les risques de distorsion de concurrence générées par les exigences environnementales et les pratiques culturales alternatives, les défauts de contractualisation en vins sans IG, les freins financiers à la création de grandes marques, un défaut de compétitivité marketing pour les vins premium (8€ à 15€) ou encore le manque d’accords de libre-échanges« offensifs» permettant de s’affranchir de droits de douanes, les marges de croissance étant extra-européennes. L’altération du potentiel productif et son irrégularité, amplifiées par les aléas climatiques sont aussi pointées du doigt, ainsi que les questionnements autour de la santé et de l’environnement.