La souveraineté alimentaire de la France en question(s)

A la veille du « Grand rendez-vous » sur la souveraineté alimentaire, décryptage des forces et faiblesses de notre secteur agricole et agroalimentaire. Depuis 2010, la balance commerciale du secteur ne cesse de s’éroder et doit son salut aux vins et spiritueux.

Quel est le degré d’autosuffisance du secteur agroalimentaire français ?

Selon un rapport de la commission des affaires économiques du Sénat, publié en 2019, la France importe l’équivalent de 20% de ses besoins alimentaires. Sous l’effet d’une stagnation de la production intérieure depuis 2000 et d’un taux de croissance des importations (+87%) supérieur à celui des exportations (+55%) sur la période, l’autosuffisance alimentaire de la France régresse.

Depuis 2000, les importations ont progressé de 87% contre 55 % pour les exportations
Depuis 2000, les importations ont progressé de 87% contre 55 % pour les exportations

Quels sont les produits et filières au solde positif ?

Avec un solde commercial positif passant la barre des 10 milliards d'euros depuis quelques années (11,3 milliards d'euros en 2020), les vins et spiritueux s’adjugent la première place. Quatre filières maintiennent d’importants excédents commerciaux : les céréales, notamment le blé et l’orge (+6,2 milliards d'euros), les produits laitiers (+2,9 milliards d'euros), les animaux vifs (+1,7 milliard d'euros) et le sucre (+0,7 milliard d'euros). Mais dans le secteur des produits laitiers, où la France dispose de positions solidement établies, la valeur des importations a été multipliée par deux entre 2005 et 2017, sous l’effet de l’augmentation des importations de fromages et de beurre.

La balance des produits laitiers s’érode sous l’effet de la croissance des importations
La balance des produits laitiers s’érode sous l’effet de la croissance des importations

Quels sont les produits et filières les plus déficitaires ?

Dans le secteur du végétal, près d’un fruit et légume sur deux consommés en France est aujourd’hui importé. Le taux d’importation de légumes s’élevait en 2016 à 32% contre 19% en 2000, et celui des fruits à 71% contre 56% en 2000. Dans le secteur animal, les importations représentent 34% de la consommation intérieure de volailles en 2017 alors qu’elle ne comptait que pour 13% en 2000. La France importe l’équivalent de 25% de sa consommation de porc, le solde commercial ayant basculé dans le rouge à compter de 2013.

Les importations de volaille représentent 34 % de la consommation intérieure en 2017 contre 13 % en 2000
Les importations de volaille représentent 34 % de la consommation intérieure en 2017 contre 13 % en 2000

Comment évolue le solde agroalimentaire français ?

Avec l’aéronautique et l’industrie du luxe, le secteur agroalimentaire a toujours flatté la balance commerciale de la France. C’était toujours le cas en 2020 avec un solde positif de 6,3 milliards d'euros, contre 9,5 milliards en 2000. Derrière ces chiffres, le rapport sénatorial pointe deux angles morts, à commencer par le poids des vins et spiritueux. Sans ces derniers, la France afficherait un déficit commercial chronique de l’ordre de 6 milliards d'euros. Le Sénat note par ailleurs que le bénéfice commercial est généré à 96% par les pays tiers (contre 27% en 2000), le solde avec les pays de l’UE s’amenuisant depuis dix ans.

L’excédent des échanges agroalimentaires français a atteint 6,3 milliards € en 2020, contre 7,9 milliards € en 2019, soit une baisse de 18,2%
L’excédent des échanges agroalimentaires français a atteint 6,3 milliards € en 2020, contre 7,9 milliards € en 2019, soit une baisse de 18,2%

Pourquoi le solde commercial s’érode-t-il au fil des ans ?

Selon la Direction générale du Trésor, 70 % de l’érosion de l’excédent s’explique par un effet compétitivité négatif. L’agriculture et l’industrie agro-alimentaire sont confrontées à un dumping social très important, y compris à l’intérieur des frontières européennes. En cause : des charges plus élevées, une tendance à la sur-réglementation, des taux de marge trop faibles dans l’industrie agroalimentaire et enfin des défauts de structuration des filières. Selon le rapport du Sénat, sur la base de la trajectoire actuelle, la France pourrait enregistrer en 2023 son premier déficit commercial dans le secteur agroalimentaire.

Après avoir fortement progressé entre 1960 et 2000, la production agricole française stagne depuis la fin des années 1990 dans les principaux secteurs
Après avoir fortement progressé entre 1960 et 2000, la production agricole française stagne depuis la fin des années 1990 dans les principaux secteurs