Des pâtes oui, mais à petit prix

[Edito] Alors que la faiblesse chronique des cours du blé dur, agronomiquement capricieux, restreint l’attractivité de la culture, la moindre appréciation des prix est qualifiée de « flambée ». En jeu ? Deux euros pour le porte-monnaie de chaque Français, avec paiement étalé sur douze mois.

En ce mois d’août 2021, il y a les forêts qui flambent un peu partout dans le monde ainsi que les cours des céréales, deux phénomènes en partie reliés par des épisodes de sécheresse et le changement climatique à l’œuvre. Baisse de l’offre, demande soutenue, faiblesse des stocks : l’équation est imparable. Chance : la récolte française de céréales est attendue en hausse de 15%, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture. Après des années de disette, les producteurs devraient retrouver un peu d’air, à condition de ne pas être pris en étau et en otage par une grande distribution soucieuse de préserver notre pouvoir d’achat... dans ses rayons.

La loi Egalim à la moulinette

Les fabricants de pâtes et de semoule ont été les premiers à sonner l’alerte. Et pour cause, ils opèrent sur une espèce, le blé dur, moins générique que le blé tendre. Et à la différence des produits meuniers et biscuitiers, le prix de la matière première pèse davantage dans le prix de revient final. D’où une exposition plus forte aux variations du cours. Les industriels craignent de ne pas pouvoir la répercuter dans leur prix de vente à la distribution. Non sans raison. Il y a quelques années, et pour cette raison précise, le fabricant français Alpina Savoie a failli fermer son moulin remontant à 1844. Nul doute que dans les semaines et les mois à venir, la loi Egalim faire parler d’elle et repasser à la moulinette.

De quelle augmentation du prix des pâtes parle-t-on ? Chaque Français consomme bon an mal an entre 8 et 9 kilos de pâtes. En supposant que le blé dur « flambe » à 500 euros la tonne (on n’y est pas), le surcoût équivaudrait à 20 centimes du kilo de pâtes, soit, en arrondissant à l’euro supérieur (histoire de ne pas faire comme la grande distribution), un ticket de deux euros par personne et par an (on passe sur l’épargne induite sur la cagnotte fidélité). Deux euros donc, répartis sur douze mois, mais à multiplier par le nombre de membres du foyer, on est d’accord.

Soutenir une espèce fragile

En plus d’être largement supportable pour tous les ménages, la hausse des cours du blé dur est, au-delà de l’effet bénéfique sur la trésorerie des exploitations, un excellent signal pour l’avenir de l’espèce dans l’Hexagone. Entre 2010 et 2020, la sole de blé dur a en effet été divisée par deux, un sujet pris très au sérieux par la filière. Comparé au blé tendre, le rapport bénéfices / risques n’est pas toujours jugé suffisamment attractif par les producteurs. L’espèce est en effet capricieuse au regard des critères exigés, et légitimes, par les transformateurs. Et du reste, pour cette moisson 2021, tous les producteurs ne vont pas bénéficier de la plus-value potentielle, du fait des problèmes qualitatifs engendrés par les conditions météorologiques. Il y a aussi le cas de ceux qui sont engagés sur des contrats pluriannuels et qui ne vont que partiellement capitaliser sur la hausse des cours. Reste à jauger le rapport entre les bonnes et les mauvaises années : après 2007, 2014 et 2021, 2028 ? On peut aussi transformer, fabriquer et vendre à la ferme, une tendance qui concerne également les pâtes alimentaires.