Elevages "industriels" : Paris fustige le plan de Bruxelles contre les émissions polluantes

Le ministre français de l'Agriculture, Julien Denormandie, a vivement critiqué une proposition de la Commission européenne visant à imposer des seuils d'émissions polluantes aux élevages jugés "industriels".

Bruxelles veut durcir sa directive sur les "émissions industrielles", qui couvre actuellement 30.000 usines et 20.000 élevages géants en leur imposant des normes drastiques en termes de rejets de polluants - notamment l'ammoniac (épandages d'engrais organiques et minéraux), à l'origine de particules fines néfastes pour la santé. La Commission a proposé le 5 avril d'étendre cette réglementation aux élevages de bovins, porcins et volailles comptant plus de 150 UGB (soit 150 vaches adultes, 10.000 poules, 500 porcs ou 300 truies environ), ce qui représenterait 185.000 exploitations dans l'UE.

"Cette "classification" aura pour conséquence d’imposer toujours plus de normes, de charges et de contraintes bureaucratiques aux éleveurs", a déploré la FNSEA dans un communiqué. Selon le syndicat, la révision proposée par la Commission européenne aura pour conséquence s'assimiler à des "élevages industriels" : "un élevage bovin français de 100 vaches sur 120 hectares, nourri à 80% d’herbe et géré par un couple d’éleveurs", "un élevage de 500 porcs alimentés par les céréales produites sur la ferme où travaille une éleveuse" ou encore "un élevage de volailles avec 2 poulaillers de 1 200 m2 où travaillent l’éleveur et un salarié".

En attente de la décision des eurodéputés

"Est-ce qu'un élevage d'une centaine de vaches allaitantes dans nos montagnes en Europe est un élevage industriel ? La réponse est non !", s'est emporté Julien Denormandie après une réunion avec ses homologues européens. "Au même moment, on laisse entrer en Europe des viandes d'élevages utilisant des antibiotiques de croissance dans des fermes sud-américaines à 10.000 vaches. C'est une aberration", s'est-il indigné, rappelant l'appel de Paris à imposer une "réciprocité" des normes dans les échanges commerciaux.

La proposition doit être soumise aux Etats et eurodéputés. "Plusieurs Etats membres ont fait état de leurs réserves avec la même force que la France", a affirmé Julien Denormandie. Il avait indiqué sur Twitter que Paris se battrait pour "remettre de la raison dans ce texte" qui "ne tient pas compte de la réalité de nos élevages".

Le commissaire à l'Agriculture, Janusz Wojciechowski, a fait valoir que le texte avait déjà été assoupli, puisque l'exécutif européen envisageait initialement de proposer son application pour les exploitations à partir de 100 "unités de gros bétail", seuil encore plus bas que celui finalement retenu. "Nous devons en discuter. Ce n'est pas seulement la taille d'un élevage qui détermine si une exploitation est "industrielle" : parfois, un petit nombre d'animaux peuvent subir des conditions d'élevage intensif, et parfois, on a un grand nombre d'animaux dans des pâturages d'élevages en plein air", a reconnu le commissaire.