Focus sur la HVN, la Haute valeur naturelle

A l’initiative de Beauvallet-Plainemaison, les premiers steaks de limousine certifiés HVN font leur apparition dans les rayons. La Haute valeur naturelle est un concept apparu en Europe au début des années 2000. En France, c’est l’association Solagro qui en a édicté un guide méthodologique débouchant sur le label. Éclairage.

Aux origines de la HVN

En 1993-1994, en Europe, des agro-écologues apportent la preuve que certaines espèces et/ou certains habitats doivent leur existence à la présence de systèmes de polyculture-élevage de faible intensité et favorisant une grande richesse écologique tels que râles des genêts et traquets tariers dans les prairies humides de fauche, plantes messicoles et cailles dans les céréales gérées extensivement, orchidées et papillons dans les pelouses sèches pâturées, milan royal ou pie-grièche écorcheur dans les paysages en mosaïque, chouette chevêche ou chauve-souris dans les bocages.

La différence avec Natura 2000

La Haute valeur naturelle distingue les exploitations agricoles qui, par leurs pratiques, participent à la préservation de la biodiversité. Elle se distingue ainsi des approches segmentées de la préservation de la biodiversité, telles que Natura 2000, qui abordent la biodiversité sous l’angle de la protection d’espèces ou de milieux remarquables, indépendamment de leur contexte.

Les trois types d’agriculture correspondant à la HVN

En 2003, Erling Andersen, chercheur à l’université de Copenhague (Danemark) définit ainsi la HVN. « Les terres agricoles à Haute valeur naturelle comprennent les zones en Europe où l’agriculture est un mode majeur d’utilisation du sol (généralement le mode dominant) et où cette agriculture favorise ou est associée avec soit une grande diversité d’espèces et d’habitats, soit la présence d’espèces dont la conservation revêt un intérêt européen et/ou national et/ou régional, soit les deux ».

Andersen distingue trois types d’agriculture correspondant à la définition de la HVN. La première intègre une large proportion d’espaces dits semi-naturels : agriculture de montagne, élevage en zone humide etc. La deuxième repose sur une mosaïque d’espaces agricoles avec une forte proportion d’éléments paysagers, telle la polyculture-élevage dans un paysage de bocage par exemple. La troisième se caractérise par la présence d’une espèce remarquable (outarde canepetière, grand hamster d’Alsace, etc.), qui justifie son caractère HVN, indépendamment des systèmes agricoles en usage.

La Haute valeur naturelle distingue des exploitations qui, par leurs pratiques, participent à la préservation de la biodiversité (Source : Solagro)
La Haute valeur naturelle distingue des exploitations qui, par leurs pratiques, participent à la préservation de la biodiversité (Source : Solagro)

De la résolution de Kiev à Solagro et Beauvallet

En 2003, au sein de l’UE, une conférence ministérielle pour l’environnement adopte la Résolution de Kiev, dans laquelle l’UE s’engage à identifier et à préserver toutes les zones relevant de la HVN. En 2009, la Commission européenne publie un guide d’instruction de l’indicateur d’impact HVN. La HVN devient alors un indicateur de suivi et d’évaluation de la politique de développement rural, autrement dit du deuxième pilier de la Pac. Chaque État membre a ainsi la responsabilité d’établir une méthode adaptée à son contexte national, en se référant aux principes généraux définis de manière commune au niveau de l’UE.

En France, c’est l’association Solagro, basée à Toulouse (Haute-Garonne) qui s’attèle à la tâche, en collaboration avec le Centre commun de recherche de la Commission européenne. Solagro établit une cartographie communale des zones à HVN en recoupant de nombreuses données, issues notamment du RGA et de l’IGN concernant les haies et les lisières. En 2017, l’utilisation des données du Registre parcellaire graphique (RPG) permet de ramener la HVN de l’échelle communale à l’échelle de l’exploitation, ouvrant la voie à la labellisation. Solagro l'expérimente avec l'entreprise de transformation de viande Beauvallet-Plainemaison (Haute-Vienne), débouchant aujourd'hui sur les premières viandes limousines HVN.

Les objectifs de la HVN

La HVN a pour objectif de restaurer et de maintenir un haut niveau de qualité de l’agriculture vis à vis de l’eau et de la biodiversité avec une ambition environnementale élevée. Cet objectif passe par la réduction de l’usage des produits phytosanitaires, notamment les herbicides et des insecticides, la réduction de l’usage des engrais azotés chimiques, notamment sur les prairies permanentes, le maintien et la gestion des infrastructures agroécologiques, la protection des sols (maintien des prairies, des haies, mise en place de couverts),  la contribution à limiter le réchauffement climatique et à atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050, la contribution à la régulation des écoulements de l’eau, à l’épanchement des crues et à l’épuration des eaux, la protection des rivières et zones humides, en maintenant les prairies humides et les ripisylves et en ne traitant pas à proximité, la contribution à la conservation des paysages identitaires, moteur d’un développement touristique et d’une qualité de vie (paysage de bocages, paysage de marais).

La HVN repose sur trois indicateurs avec une note maximale de 10 points pour chaque indicateur. Pour être labellisée HVN, une exploitation doit obtenir la note minimale de 14,78 points sur 30. Cette note correspond au classement de 25% du territoire national en HVN.

Indicateur n°1 : la diversité d’assolement

Cet indicateur évalue la diversité de l’assolement et la part des prairies dans l’assolement. Des points sont perdus dès qu’une culture dépasse 10% de la SAU.

Une rotation longue avec des prairies temporaires réduit l’usage des pesticides et donc les impacts induits négatifs sur la biodiversité. Elles permettent de lutter efficacement contre les plantes adventices et autres bio-agresseurs en cassant leurs rythmes de reproduction. La présence de légumineuses économise l’azote chimique. Cultures associées et cultures intermédiaires viennent compléter cette diversité et protéger les sols en hiver. Cet indicateur évalue aussi la capacité à stocker du carbone et protéger les ressources en eau via la présence de prairies permanentes et temporaires ainsi que des couverts végétaux. Cet indicateur est calculé d’une façon automatique sur la base de la déclaration de l’assolement, complété par la mise en place de couverts végétaux précédents les cultures d’été.

Indicateur n°2 : l’extensification des pratiques

L’extensivité des pratiques agricoles est calculée à l’aune plusieurs indicateurs : faible chargement animal, pourcentage élevé de prairies permanentes incluant les peu productives et les pâturages collectifs, présence de races rustiques, surfaces non irriguées et non drainées, présence de cultures généralement conduites de façon extensive (avoine, luzerne et autres cultures fourragères légumineuses), absence de cultures industrielles et généralement conduites de façon intensive en intrants (maïs, betterave, pomme de terre,...), présence de jachère, faible rendement des cultures, faible niveau de fertilisation azotée chimique, faible utilisation de produits phytosanitaires ou absence d’utilisation.

L’indicateur prend aussi en compte le niveau de fertilisation minérale azotée apportée aux prairies permanentes et temporaires. Concernant les prairies temporaires des points sont gagnés en deçà de 50 unités par hectare. Concernant les prairies permanentes celles-ci ne doivent pas de recevoir d’azote chimique pour gagner des points. Les céréales secondaires (avoine, seigle, méteil), les légumineuses fourragères, les jachères, les prairies permanentes peu productives, les parcours et les estives sont considérés comme gérés extensivement. Les céréales à paille (blé, orge, triticale) sont évaluées sur la base de leur niveau d’intensification (rendement). Les autres cultures (maïs ensilage, oléagineux, cultures permanentes) sont considérées comme gérées intensivement.

Indicateur n°3 : la densité des infrastructures agroécologiques

Par infrastructures agroécologiques (IAE), on entend des éléments fixes du paysage ou habitats semi-naturels au sein de l’espace agricole, qui ne reçoivent ni engrais, ni pesticides. Cinq IAE sont prises en compte dans le calcul. Les lisières de bois et les haies comptent au-delà d’une densité de 4% de la SAU avec une largeur forfaitaire de 5m pour les lisières et de 10m pour les haies. Ainsi 5% équivalent à  1 point et 10% à 6 points. Les prairies humides, qui jouent un rôle important dans la régulation de l’écoulement des eaux, sont notées au prorata de leur surface (1% de prairies humides équivaut à 1 point). La présence d’un étang piscicole apporte 1 point. Les vergers traditionnels de plein vent comptent aussi selon leur place dans la SAU, 1% équivalant à 1 point.