Quand le Roquefort sera classé « A » au Nutri-Score

[Edito] Quand ce ne sont pas les associations qui dézinguent certains signes officiels aux promesses surfaites, c’est l’État qui invente la volaille de « plein air claustré ». A ce train, le Roquefort sera bientôt classé « A » au Nutri-Score.

HVN pour Haute valeur naturelle : cet acronyme et son logo seront bientôt apposés sur des barquettes d’une certaine viande limousine, à l’initiative de l’entreprise Beauvallet. C’est une première. La Haute valeur naturelle, ce n’est pas une marque commerciale (de plus). La certification émane de l’Agence européenne de l’environnement. Du lourd. Elle n’est pas sortie du chapeau du Pacte vert puisque ses origines remontent à 1993, avant son officialisation en 2003. Depuis, aucun État membre ne s’en est saisi pour conditionner par exemple une aide publique. Aucun ? Non. La Gaule, par l’entremise de l’association Solagro, vient d’élaborer un guide méthodologique. En résumé, la HVN, c’est la garantie du respect de la biodiversité par la nature même de certains systèmes de production agricoles, allaitants et/ou transhumant, et plutôt en altitude, pour simplifier à l’extrême.

Du plein air claustré...

Haute valeur naturelle (HVN), Haute valeur environnementale (HVE)... on imagine le risque de confusion entre deux certifications à la promesse similaire en apparence mais aux cahiers des charges bien différents. Les cahiers des charges justement, on les croyait gravés dans le granit, d’Armorique ou d’ailleurs. On se trompait. Cette foutue menace de grippe aviaire est en train de faire voler dans les plumes les systèmes reposant sur le plein air et l’exploitation des parcours. A défaut de potion magique, le ministère de l’Agriculture a sorti deux banderilles que sont la claustration des animaux et les dérogations, légitimant, au sein des cahiers des charges, le « plein air intégral », comme le dénoncent certains irréductibles éleveurs. Les AOC volaille et dinde de Bresse, les seules AOC dans le secteur de la volaille, sont bien décidées à entrer en résistance, voire à mourir, plutôt que de pactiser et de se fourvoyer dans la compromission.

... au Roquefort classé « A »

Les dérogations, ce n’est pas nouveau. Au plus fort de la crise sanitaire, certaines AOP fromagères y ont trouvé un sauf-conduit salvateur. Toutefois, il ne faudrait pas en abuser, au risque d’entacher la crédibilité des labels et d’altérer la confiance des consommateurs, alors que certains cahiers des charges sont déjà sous le feu des critiques d'associations. Le « plein air claustré » pourrait leur donner du grain à picorer.

Depuis peu, c’est le Nutri-Score qui gêne aux entournures certaines AOP fromagères, dont le Roquefort. Pour rappel, le Nutri-Score est un logo à cinq couleurs et cinq lettres, institué par la Loi de santé 2016 et destiné à informer les consommateurs de la qualité nutritionnelle des produits transformés. Le Roquefort, pourtant vert vif dans la cartographie HVN, ressort « E » et rouge vif dans le Nutri-Score, choquant certains industriels, jusqu’au ministre de l’Agriculture. Le jour où le Roquefort sera classé « A », soit le Nutri-Score sera mort, soit le Roquefort sera mort. Mais que fait le petit moustachu guerrier « à l’esprit malin, à l’intelligence vive » et à l’accent aveyronnais ?