« Il faut que je sorte de ce marché mondial »

Dans le Gers, Josiane Road-Delteil, est une adepte de la diversification, qu’elle décline dans différentes pratiques agroécologiques et agroforestières ainsi que dans son assolement, qu’elle essaie de déconnecter des prix mondiaux, via des contrats sinon la vente directe. Le pois chiche est sa dernière aventure.

Du blé tendre produit sous la charte Lu’Harmony, un peu de tournesol oléique, des contrats de semences en blé tendre, colza, maïs et pois chiche, et puis du soja à destination de l’alimentation humaine ainsi que du pois chiche. De l’ail violet de Cadours vendu à un grossiste toulousain. Des noix en dernière année de conversion bio proposées à la cueillette. Une mare, deux retenues collinaires (rechargées exclusivement par les pluies), quelques kilomètres de haies, 20 hectares d’agroforesterie, de nouvelles espères fruitières à la place de vieilles noyeraies pour améliorer l’autorégulation de certains bioagresseurs. Il ne manquerait plus que quelques brebis pour avoir un tableau presque parfait de biodiversité fonctionnelle et productive. « Du temps de mes parents, il y a un avait un troupeau de brebis qu’ils ont arrêté avant que je m’installe, explique Josiane Road-Delteil. Les animaux, ce n’est pas trop mon affaire, même si je suis convaincue que l’alliance entre l’animal et le végétal est la plus bénéfique au plan agroécologique, notamment en bio ».

Des noyers vont faire la place à de nouvelles espèces fruitières, dont des pieds non greffés, pour gagner en biodiversité et en biorégulation
Des noyers vont faire la place à de nouvelles espèces fruitières, dont des pieds non greffés, pour gagner en biodiversité et en biorégulation

Le saut dans l’agroforesterie

La bio, l’agricultrice la cantonnera au verger de noyers, que ses parents avaient plantés, notamment pour pallier l’arrêt des brebis. « Je ne me sens pas assez bonne agricultrice pour passer en bio en grandes cultures, explique l’ingénieure informatique de formation, revenue à la ferme après dix ans dans ce métier et qui cultive toujours un petit complexe en légitimité en agronomie. Le bio, j’y crois sur des systèmes beaucoup plus diversifiés ». Pas de bio mais de la biodiversité à tout crin, avec des haies qui délimitent beaucoup de ses parcelles, le démembrement d’un ilot de 50 hectares en quatre parcelles et puis la conversion toute récente de 20 hectares à l’agroforesterie, sur deux parcelles en coteau surplombant l’une de ses retenues. « Au départ, le concept d’agroforesterie me laissait perplexe, explique-t-elle. Et puis un jour, vous voyez la terre qui dévale d’un champ de sorgho, qui passe par-dessus la bande enherbée de 10 mètres et qui finit dans le lac ».

"Le gros atout de la HVE, c’est qu’elle approche l’exploitation dans sa globalité"

Avec la lutte contre l’érosion et l’effet symbiotique des arbres, un autre bénéfice proviendra du retour au sol du bois raméal fragmenté prélevé sur les pousses de l’année. Le tout ne fera que conforter sa certification HVE, obtenue en 2020, après s’être engagée pendant plus de dix ans dans l’agriculture raisonnée. « Au départ, c’était le moyen de distinguer et de mieux valoriser ma production d’ail, explique la productrice. Les consommateurs sont sensibles aux signes de qualité. A mon niveau, le gros atout de la HVE, c’est qu’elle approche l’exploitation dans sa globalité ».

Parcelle en agroforesterie surplombant l'une des deux retenues collinaires
Parcelle en agroforesterie surplombant l'une des deux retenues collinaires

100% sous contrat

En matière d’agroforesterie, Josiane Road-Delteil s’appuie sur les conseils de l’association Arbre et Paysage 32, grâce à laquelle le Gers, qui héberge depuis peu « la ferme préférée des Français », si l’on en croit France3, pourrait sans doute concourir au département le plus agroforestier de France.

Côté cultures, l’exploitation s’en remet à la coopérative Arterris, qui dispose d’un silo derrière l’une des haies de l’exploitation, et à son salarié, qui était déjà présent du temps de ses parents. « Je vous avoue qu’avec 150 hectares dans les coteaux séchants du Gers et malgré une capacité d’irrigation à 50 hectares, je ne suis pas la championne de l’EBE, confie l’agricultrice. Mais indirectement, c’est mon salarié qui m’a poussé à diversifier mon système. L’alternative, c’était le recours à un entreprise de travaux mais c’était alors un emploi de moins sur la commune », explique la productrice, avec sa casquette d’élue de Monferran-Savès.

La diversification, outre l’ail et la noix, se matérialise par toute une série de cultures sous contrat, notamment en production de semence. Hors semences, l’accent est porté depuis quelques années sur les protéines, notamment sous l’impulsion du programme régional Fileg (Filière légumineuses à graines).

"Une nouvelle culture, il faut la réussir dès la première année, on n’a pas droit à l’erreur"

En plus de soja, destiné à l’alimentation humaine, Josiane Road-Delteil a pris un virage dans le pois chiche, sous l’impulsion de la coopérative, qui vient de lancer avec Vegedry une société de production de farines de légumineuses. « Je sais pertinemment que je ne suis pas capable de produire au prix du marché mondial, donc il faut que je sorte à tout prix de ce système », confie l’agricultrice.

« En fait, le pois chiche, je l’avais tenté il y a 15 ans sur 10 hectares mais j’avais eu la mauvaise idée de le mettre sur un versant nord et le printemps pluvieux lui a été fatal, explique la productrice. Mais on aujourd’hui, on n’a plus droit à l’erreur. Il faut réussir dès la première année une culture dont vous ne connaissez rien et l’année d’après il faudra tenter autre chose. Là je suis partie sur 30 hectares dont la moitié en semence, tout en sec et bien exposé. Le pois chiche me permet de valoriser les petites terres. Le tournesol, je ne le réussis pas. Le problème, c’est que j’en ai 50% orientés Nord. Et puis il commence à s'en faire du pois chiche... »