Influenza aviaire : les défis et les échéances de la future stratégie vaccinale

Le ministère de l’Agriculture se met en ordre de marche pour vacciner palmipèdes et gallus à l’automne 2023, ce qui suppose d’avoir des vaccins efficaces, autorisés, disponibles et accessibles aux plans financier et logistique, tout en s’assurant que les pays tiers acceptent les produits et animaux vaccinés. Le défi est énorme mais les enjeux tout autant.

Cinq crises sanitaires aiguës en sept ans en comptant celle en cours, 21 millions de volailles abattues lors de l’épizootie 2021-2022, le débordement plus que problématique des capacités d’euthanasie et d’élimination des cadavres, des niveaux d’indemnisations record, dépassant le milliard d’euros pour la seule dernière crise, un risque majeur d’affaiblissement de l’ensemble des filières (chair, pondeuses, gras) du fait de la contagion aux élevages reproducteurs, à tel point qu’un plan de sauvegarde est en cours d’élaboration : la virulence chronique de l’Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) contraint les autorités à renforcer l’arsenal des moyens de lutte. Et tous les espoirs se portent sur la vaccination. « Le vaccin n’est pas une solution miracle mais la combinaison des mesures de biosécurité, d’une organisation plus résiliente des filières et du vaccin permettra de contrôler l’épizootie d’Influenza aviaire dans les prochaines années », indique le ministère de l’Agriculture.

Risque politique contre risque sanitaire

Problème : tout est à construire puisqu’il faut tester les candidats vaccins, les autoriser au plan européen, les faire accepter au plan international et enfin enclencher leur production industrielle avant même d’avoir les garanties de leur déploiement aux plans légal, logistique et financier. « Il y aura une attention politique particulière pour avancer sur le sujet de la production de vaccins avant autorisation », reconnait le ministère, bien décidé à se donner tous les moyens pour doter les filières d’une nouvelle arme dès l’automne 2023, sans risquer de perdre une année, quitte à prendre un risque politique et financier,  ce qui en dit long sur le contexte épidémiologique et économique.

"Les premiers résultats des vaccins sont plutôt encourageants et montrent une bonne réponse au virus mais il est encore trop tôt pour conclure"

Si l’agenda est très serré, il est parfaitement balisé. A la fin du mois de février, l’Union européenne légalisera le recours au vaccin, selon le ministère de l’Agriculture, qui invoque « le travail d’influence » mené par la France depuis un an, notamment dans le cadre de la Présidence française de l’UE (PFUE) de janvier à juin derniers. Au mois de mars tomberont les résultats des expérimentations actuellement en cours sur canards. « Les premiers résultats des vaccins sont plutôt encourageants et montrent une bonne réponse au virus mais il est encore trop tôt pour conclure », indique le ministère.

Si le vaccin s’avère efficace, charge à l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) d’établir des scénarios de vaccination, qu’il faudra ensuite confronter à la réalité, aux plans financier et logistique. En d’autres termes : qui finance, qui administre les vaccins ? Il faudra attendre la mi-janvier pour avoir un début de réponse, avec la présentation du Plan d’action de la stratégie vaccinale, sous la direction de la DGAL, associant l’Anses, l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), l’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT) et les interprofessions.

"En mai 2023, si tous les signaux sont au vert, nous aurons des vaccins efficaces et sûrs, des vaccins autorisés et une stratégie de vaccination adaptée, au plan sanitaire et économique"

Au mois de mai, l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA, ex-OIE) devrait à son tour se prononcer sur le vaccin, ce qui conditionnera son acceptabilité par les pays tiers. Le ministère y voit là aussi les fruits de son « travail d’influence ». «« Mais il faudra mener négocier en bilatéral avec chaque pays pour le convaincre que nos vaccins sont efficaces et autorisés », prévient-il. Cette étape est cruciale car environ 500 millions d’euros sont en jeu en termes d’exportation et de produits et d’animaux pour les différentes filières nationales. « En mai 2023, si tous les signaux sont au vert, nous aurons des vaccins efficaces et sûrs, des vaccins autorisés et une stratégie de vaccination adaptée, au plan sanitaire et économique », devise le ministère de l’Agriculture.

La vaccination pourra concerner les canards aussi les galliformes car plusieurs pays européens, notamment les Pays-Bas, la Hongrie et l’Italie testent actuellement des candidats vaccins sur les poulets, les dindes ou encore les oies. Mais si elle est effectivement mise en œuvre à l’automne 2023, elle devra s’accompagner d’un renforcement de la surveillance épidémiologique du virus afin de s’assurer que ce dernier ne circule pas à bas bruit sur des animaux vaccinés.