J-365 pour le destin du glyphosate dans l'UE

L’Autorisation de mise sur le marché (AMM) de l’herbicide au sein de l’Union européenne prendra fin le 15 décembre 2022. Un rapport des quatre Etats rapporteurs penche pour une ré-autorisation. L’Allemagne l’interdira fin 2023. Sur la question des pesticides, la France trace deux lignes rouges.

« Wir nehmen Glyphosat bis Ende 2023 vom Markt ». Traduction : « Nous retirerons le glyphosate du marché d’ici la fin de 2023 ». Telle est l’affirmation inscrite dans le contrat de 178 pages paraphé par la toute nouvelle coalition au pouvoir en Allemagne depuis le 8 décembre dernier. Fin 2017, à la veille du vote des Etats membres sur la délivrance, ou non, d’une nouvelle autorisation de mise sur le marché (AMM) de cinq ans, l’Allemagne avait fait volte-face au dernier moment et fait basculer le vote en faveur du renouvellement, au grand dam d’Emmanuel Macron. Dans un tweet datant du 27 novembre 2017, dont la rémanence s’avèrera bien supérieure à celle de la molécule, le président de la République décidait d’engager la France sur la voie de la sortie du glyphosate, au plus tard fin 2020.

"Aucune interdiction sans alternative, tous les sujets de réduction portés au niveau européen"

Depuis, l’Allemagne est devenue la patrie du glyphosate suite au rachat de Monsanto par Bayer en 2018, même si l’entreprise allemande n’est l’une que des huit entreprises réunies au sein du GRC (Glyphosate Renewal Group), soutenant le renouvellement de la molécule. De son côté, la France a mis de l’eau dans ses cuves, en réduisant les doses, les usages et le nombre de spécialités à base de glyphosate et en poussant la quête d’alternatives pour déjouer les cas d’impasse.

Le 10 décembre dernier, à l’occasion de la présentation des premiers résultats du recensement agricole, Julien Denormandie a réaffirmé la position de la France en matière de pesticides, à savoir « aucune interdiction sans alternative » d’une part et « tous les sujets de réduction portés au niveau européen » d’autre part. Une forme de renoncement à l’auto-flagellation et à la sur-transposition, le ministère de l’Agriculture plaidant pour une harmonisation des utilisations des pesticides au sein des Etats membres, afin de lutter contre les distorsions de concurrence.

La France compte d’ailleurs en faire un des axes de travail de sa présidence de l’UE au 1er semestre 2022, avec le projet de réformer le Directive Sup (Sustainable use of pesticides). « Il faut faire en sorte que la Directive Sup ne s’occupe pas seulement de l’harmonisation au niveau des Etats membres mais aussi de l’harmonisation vis-à-vis de ce qui rentre, avec la détection des limites maximales de résidus de produits non autorisés chez nous », a affirmé Julien Denormandie.

Un rapport qui penche en faveur de la ré-homologation

Retour au glyphosate. En attendant l’inscription de la molécule à l’agenda politique européen, c’est la science qui va prendre la main. Courant 2022, il reviendra à deux agences européennes, que sont l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), de se prononcer sur les potentiels dangers et risques de la molécule. Leur avis reposera notamment sur le rapport que leur ont transmis en juin dernier les quatre Etats rapporteurs (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède). En France, c’est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui a été mandatée.

Selon les conclusions préliminaires de cette expertise, le glyphosate ne serait ni cancérogène, ni mutagène ni reprotoxique et ne remplirait pas les conditions pour être considéré comme perturbateur endocrinien. A l’issue de ces examens scientifiques, il reviendra à la Commission européenne de soumettre sa proposition sur le renouvellement de l'autorisation du glyphosate aux Conseil et au Parlement européens, d'ici à décembre 2022.

L’analyse collective de l’Inserm

En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) l’avait classé comme cancérogène probable, à peu près contre l’avis de toutes les agences sanitaires foisonnant à travers le monde. Les agences sanitaires sont accusées de fonder leurs analyses sur la base des dossiers réglementaires fournis par les firmes quand le Circ se fonde sur des données publiées dans la littérature scientifique, ou publiquement accessibles.

En juin dernier, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) avait rendu les conclusions d’une expertise collective dressant un bilan des connaissances sur les liens entre exposition aux pesticides et santé humaine au travers d’une analyse critique de la littérature scientifique internationale. S’agissant du glyphosate, les conclusions de l’Inserm étaient les suivantes : « Le glyphosate est un herbicide pour lequel l’expertise conclut à une présomption moyenne de lien avec les lymphomes non hodgkiniens. D’autres liens ont été évoqués dans la littérature scientifique pour le myélome multiple et les leucémies, mais les résultats sont moins solides. Les études expérimentales de cancérogenèse chez les rongeurs montrent des excès de cas, mais ne sont pas convergentes. On y observe des tumeurs différentes, pour les mâles ou les femelles, mais qui ne se produisent qu’à des doses de glyphosate très élevées et uniquement sur certaines souches de rongeurs ».