L’UE s’apprête à autoriser l’abattage à la ferme

La Commission européenne a adopté un acte délégué ouvrant la voie à l’abattage à la ferme de bovins, ovins, caprins et porcins. La Confédération paysanne salue « l’aboutissement de 10 années de travail sur le terrain et au niveau institutionnel », en France et à Bruxelles.

« Jusqu’à trois animaux domestiques de l’espèce bovine, à l’exception des bisons, jusqu’à trois solipèdes domestiques, jusqu’à six animaux domestiques de l’espèce porcine ou jusqu’à neuf animaux des espèces ovine ou caprine peuvent être abattus à la même occasion dans l’exploitation d’origine, lorsque l’autorité compétente l’autorise conformément aux exigences suivantes » : tel est la mention qui préfigure l’autorisation d’abattre des animaux d’élevage dans l’exploitation d’origine au moyen d’abattoirs mobiles au sein de l’UE, conformément à l’acte délégué adopté par la Commission européenne les 14 décembre. Plus précisément, la mention figure dans le projet d’annexe du règlement (CE) n°853/2004 relatif aux exigences spécifiques en matière d’hygiène applicables à certaines viandes, aux produits de la pêche, aux produits laitiers et aux œufs. Le règlement doit être approuvé par le Conseil de l’UE et le Parlement européen avant d’entrer en vigueur.

En dépit de l’absence de cadre européen, plusieurs pays, dont l’Allemagne, la Suède et l’Espagne, ont mis en pratique l’abattage mobile. La France a ouvert la voie à l’expérimentation en octobre 2018 avec la promulgation de la loi Egalim. Depuis, une vingtaine de projets, portés notamment par la Confédération paysanne, les Adear (Associations pour le développement de l’emploi agricole et rural) et le réseau des Amap, a essaimé sur le territoire. En septembre 2021, l’éleveuse de vaches charolaises Emilie Jeannin mettait en service le premier abattoir mobile à la ferme pour bovins, et dans la foulée, le site marchand Le Bœuf Ethique assurant la commercialisation de la viande. L’expérience devait malheureusement s’achever en décembre 2022 avec le placement de l’entreprise en redressement judiciaire, puis sa liquidation le mois de février suivant.

Cette mésaventure n’a pas découragé les initiatives de groupes d’éleveurs travaillant sur d'autres modèles, notamment des caissons d’abattage mobiles au service de la vente directe, avec à la manœuvre des éleveurs tâcherons, évitant les travers de l’industrie (course au tonnage, pression de la cadence, stress des opérateurs et des animaux), tout en étant économiquement viables. C’est du moins l’objectif visé par des projets encore au stade de la gestation.

La Confédération paysanne satisfaite

La Confédération paysanne n’a pas manqué de saluer la décision de la Commission européenne. « C’est une immense victoire pour l'ensemble des éleveurs et particulièrement pour la Confédération paysanne, a-t-elle réagi dans un communiqué. Car c’est l’aboutissement de 10 années de travail sur le terrain et au niveau institutionnel, en France comme à Bruxelles, pour redonner de l’autonomie à l'élevage paysan et redynamiser un maillage territorial avec des abattoirs de proximité accessibles à toutes et tous. Trop longtemps négligée et vilipendée du fait de son extrême industrialisation, la question de l’abattage fait partie du cycle de l’élevage. Revaloriser l'abattage de proximité et permettre aux éleveurs d'accompagner leurs animaux relève aujourd'hui d'une nécessité sociétale, éthique et économique ».