La Ceinture verte ou le double défi de l’installation et de la relocalisation

L’association La Ceinture verte constitue avec les collectivités locales des Sociétés coopératives d’intérêt collectif proposant à des porteurs de projet des exploitations clés en main de maraichage bio et diversifié, avec soutien technique et dispositif d’accession à la propriété. Trois agglomérations se sont déjà engagées.

« Notre objectif est de relocaliser l’équivalent de 10% de la consommation de légumes frais et bio et nous visons pour cela l’installation de 1000 maraichers dans les cinq à sept ans à venir » : telle est la double ambition affichée par Pierre Pezziardi, co-fondateur et président de l’association La Ceinture verte.

Comment une « simple » association peut-elle s’attaquer à deux défis majeurs que sont le renouvellement des générations, avec un taux de remplacement qui oscille entre 71% et 85% selon les années et la relocalisation de la production de légumes frais, quand on sait que le déficit commercial a plus que doublé en quinze ans pour s’établir à 1,2 milliard d’euros en 2019 ? « Dans le secteur du maraichage diversifié, il y a pléthore de porteurs de projet, se défend Pierre Pezziardi. La réalité, c’est que 50% d’entre eux cessent leur activité dans les trois ans, victimes d’une spirale conjuguant inadaptation du foncier, sous-investissement, défaut de revenu et isolement. Notre projet vise en enrayer cette tragédie »

Pierre Pezziardi : « L’objet de la Ceinture verte est d’enrayer la tragédie de l’inadaptation du foncier, du sous-investissement, du défaut de revenu et de l’isolement » (Crédit photo : R. Lecocq)
Pierre Pezziardi : « L’objet de la Ceinture verte est d’enrayer la tragédie de l’inadaptation du foncier, du sous-investissement, du défaut de revenu et de l’isolement » (Crédit photo : R. Lecocq)

Des coopératives de territoire

Pour lever ces quatre facteurs d’échec, la ceinture verte crée, dans un territoire cible, une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), associant l’ensemble des acteurs locaux désireux s’investir dans le développement des filières bio, locales et équitables. « Vous l'aurez compris, nous ne sommes pas sur les circuits internationaux mais sur les circuits courts, donc nous mettons en place des maraichers à moins de 50 kilomètres des grandes agglomérations », poursuit Pierre Pezziardi qui, dans une vie antérieure, était associé de KissKissBankBank et cofondateur de l’incubateur de start-up d’Etat Beta.gouv.fr. Selon les cas, la SCIC achète ou loue, via des baux emphytéotiques, des terres propices au maraichage, qui sont ensuite louées aux candidats maraichers.

Au sein de chaque SCIC locale peuvent prendre part les Chambres d’agriculture, les Adear, les Gab, les Civam, les Amap, les espaces-tests à l’installation ou encore les lycées agricoles.

"2 ha, un abri froid de 1500 m2 et un système d’irrigation : c’est le kit requis pour éviter l’échec prématuré"

La SCIC ne fait pas que faciliter l’accès au foncier : elle fait aussi effet de levier bancaire. A Pau (Pyrénées-Atlantique) par exemple, la contribution de la Ceinture verte, de la Communauté d’agglomération Pau Béarn-Pyrénées et d’autres partenaires et investisseurs solidaires a permis de mobiliser 400.000 euros et d’emprunter ainsi deux millions d’euros, pour créer en retour quelques dizaines d’exploitations.

L’association estime à 100.000 euros le besoin de financement pour s’installer en maraichage bio diversifié sur une surface d’environ 2 ha, avec un abri froid de 1500 m2 et un système d’irrigation. « C’est le kit requis pour éviter l’échec prématuré », juge Pierre Pezziardi.

Une location longue durée

Le candidat maraicher, sociétaire de la SCIC, signe un contrat annuel de coopération, assorti d’un droit au maintien sur site pendant au moins 18 ans. Il s’acquitte d’un moyen mensuel 275 euros par mois la première année, de 415 euros par mois la deuxième année et de 550 euros par mois à partir de la troisième année. A noter que le matériel (tracteur...) et les consommables ne sont pas compris dans l’offre mais finançables le cas échéant par la DJA. Au-delà d’un chiffre d’affaires de 40.000 euros s’ajoute une part variable équivalent à 7,5% du chiffre d’affaires applicable si la rémunération du maraicher dépasse le Smic. Comme dans une location-vente, le maraîcher qui aura acquitté le remboursement des dettes avec ses cotisations paiera deux années de soulte, soit environ 10.000 euros. La somme rémunère les investisseurs solidaires qui auront souscrit au capital de la SCIC.

Après un an d’existence, la Ceinture verte a mis le pied à l’étrier à quelques maraichers répartis entre les agglomérations de Valence (Drôme) et de Pau (Pyrénées-Atlantiques). Elle vient de finaliser une troisième SCIC à Limoges (Haute-Vienne) et se projette sur Poitiers (Vienne) ou encore au Havre (Seine-Maritime). A la demande de certaines collectivités, l’association pourrait aussi s’intéresser à l’élevage.