Nouvelles techniques génomiques : où y a du gène, y a... de la plaie

[Edito] Avec son rapport sur les Nouvelles techniques génomiques (NTG), l’Anses vient de remettre une pièce (à conviction) dans la machine à controverses entourant l’usage du génie génétique dans le secteur alimentaire.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a publié cette semaine son rapport d’expertise collective relatif aux méthodes d’évaluation des risques sanitaires et environnementaux et des enjeux socio-économiques associés aux plantes obtenues au moyen de certaines Nouvelles techniques génomiques (NTG). Il s’agit en l’occurrence de la technologie CRISPR-Cas et ses « ciseaux moléculaires », qui ont valu à sa co-découvreuse française un Nobel de chimie en 2020, ouvrant de nouvelles perspectives thérapeutiques en santé humaine. Dans le secteur du végétal, la technologie est mise en avant pour, au moins partiellement, contrecarrer certains effets du changement climatique sur les rendements et déjouer certains bioagresseurs, en faisant l’économie de pesticides. Tout bénef !

De la taille des « ciseaux moléculaires »

A condition que la réglementation desserre l’étau. C’est tout l’enjeu du chantier ouvert par la Commission européenne en juillet 2023, et que le Parlement européen a repris à son compte le mois dernier : distinguer les NGT des OGM, auquel le carcan réglementaire (évaluation des risques, autorisation, surveillance, traçabilité, étiquetage..) a coupé les germes, sans les interdire formellement. Sauf que l’avis de l’Anses ne délivre pas un blanc-seing aux NGT. L’agence sanitaire recommande en effet d’opérer, en matière d’analyse des risques sanitaires et environnementaux, une discrimination reposant sur « la taille des ciseaux » en quelque sorte, l’Anses considérant que la mutagenèse ciblée des NGT pouvait dans certains cas, ne pas totalement différer de la transgenèse, donc des OGM, s’agissant des impacts potentiels. De quoi tuer dans le tube in vitro une partie de la technologie, au grand dam de la Commission, du Parlement européen et de la France, qui soutient le distinguo réglementaire entre NTG et OGM.

De l’objet scientifique au débat sociétal

L’Anses ne s’est pas contentée d’apporter son expertise scientifique. L’agence sanitaire appelle en effet à une « nécessaire mise en débat la plus ouverte et la plus éclairée possible », engageant « l’ensemble des parties prenantes dans un cadre transparent et démocratique », compte tenu du fait que les enjeux inhérents aux décisions de développement et d’encadrement des NTG sont « des choix de société »́ qui ne peuvent pas uniquement s’appuyer sur des arguments scientifiques et socio- économiques mais qui devraient faire l'objet d'une « gouvernance structurée et démocratique ». C’est plutôt mal engagé. Le gouvernement a mis quelques semaines avant de sortir le rapport de ses tiroirs ministériels tandis que les opposants aux NTG s’évertuent à les désigner comme des « nouveaux OGM » sinon comme des « OGM cachés ». En France, là où y a du gène, y a de la plaie.