La hausse des cours et des semis de tournesol pénalise la production de semences

Terres Inovia anticipe une hausse des surfaces de 10%, loin de faire les affaires des semenciers, qui peinent à placer les contrats de multiplication. Largement autonome, la France exporte 60% de sa production de semences en Ukraine et en Russie. Un autre motif d’inquiétude.

« Avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, nous avions tablé sur 690 000 à 700 000 ha de tournesol, soit l’équivalent des surfaces cultivées en 2021, déclare Afsaneh Lellahi, directrice de l’action régionale et du transfert à Terres Inovia. Depuis, nous avons révisé nos prévisions à la hausse, avec une sole comprise entre 750 000 et 780 000 ha ».

Avec des rendements records enregistrés en 2021, une culture relativement sobre en (très chers) engrais et des cours qui grimpent au soleil, le tournesol pourrait être le grand gagnant des emblavements de printemps. Sans toutefois bousculer les grands équilibres. « 780 000 ha, c’est la surface que l’on avait comptabilisée en 2020, année où des semis de blé avaient été empêchés par les pluies excessives de l’automne 2019 », relativise Afsaneh Lellahi.

Selon Terres Inovia, les intentions de semis progresseraient dans les bassins traditionnels de l’espèce, c’est à dire l’Ouest, le Centre Val de Loire et le Sud-Ouest mais pas nécessairement dans le Grand Est, la dernière conquête de l’oléagineux. « Les disponibilités en semences devraient satisfaire la demande même si, ici ou là, des références pourraient venir à manquer », indique Afsaneh Lellahi.

Double contrainte et double menace pour la production de semences

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la hausse des surfaces ne fait pas forcément les affaires des semenciers, confrontés à la difficulté de placer des contrats de multiplication. La hausse des cours de la graine a pour effet de réduire l’avantage économique des surfaces en multiplication, en dépit du système d’indexation. « Dans les contrats de multiplication de semences, les prix sont moyennés sur deux ans pour éviter de trop grandes fluctuations, déclare Romain Filiol, animateur technique à l’Anamso, l’Association nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences oléagineuses. Du fait de l’envolée soudaine des prix du tournesol, le différentiel n’est plus forcément très intéressant. En revanche, les contraintes de production restent les mêmes, ce qui fait que certains producteurs de détournent de la semence au profit du tournesol conso ».

Les hausse des surfaces de tournesol conso a aussi pour effet de compliquer le placement des surfaces en multiplication de semences, du fait des contraintes d’isolement. Résultat : l’Anamso redoute une baisse des surfaces de tournesols semences de 20%, soit entre 15 000 et 16 000 ha, contre 18 000 ha prévisionnels.

La Russie et l’Ukraine, premiers clients de la France

Le phénomène est directement lié au déclenchement de la guerre en Ukraine. Depuis, l’Anamso bat le rappel auprès de ses adhérents, les invitant à dépasser « l’opportunisme » pour assurer la pérennité d’une filière qui donne des gages en matière de savoir-faire, de rentabilité et de souveraineté. En semences de tournesol, la France est largement auto-suffisante et donc exportatrice nette. Et il se trouve que nos deux principaux clients sont la Russie et l’Ukraine, qui totalisent 60% des doses exportées. Un champ de bataille qui dépasse les prérogatives de l’Anamso, mais qui, en cas de contre-sanctions, pourrait impacter les contrats de multiplication proposés en 2023.