La volaille française en butte au "vouloir d’achat"

La filière fait le constat d’un décalage entre les attentes exprimées par les citoyens et les actes d’achat de ces mêmes citoyens consommateurs. La progression de la restauration hors domicile ne facilite pas la tâche, en attendant peut-être des progrès en matière d’étiquetage. La filière n’abandonne pas la lutte contre les importations, qui pointent à 45% en poulet, et se dote d’un Pacte stratégique à cinq ans pour conquérir les consommateurs.

« Le poulet fermier, qu’il soit Label Rouge ou bénéficiant d’une certification de conformité produit, coche toutes les cases des attentes sociétales. Ce faisant, il devrait enregistrer une hausse de croissance de 10% par an. Il n’en est rien puisque les ventes de volailles élevées en plein air stagnent », déclare Eric Cachan, président du Syndicat des labels avicoles de France (Synalaf).

« Alors que les importations de viande de volaille représentaient en 1990 environ 10% de la consommation nationale, elles pointent aujourd’hui à 45% », ajoute Gilles Huttepain vice-président de la Fédération des industries avicoles (Fia). « Sous l’effet du Covid-19, les importations ont baissé sur les sept premiers mois de l’année, mais elles sont désormais reparties à la hausse », indique Jean-Yves Ménard, président du Comité interprofessionnel du poulet de chair (CIPC).

Pouvoir d’achat ou vouloir d’achat ?

A l’occasion d’une conférence de presse, plusieurs représentant de l’Anvol, l’interprofession des volailles de chair, ont témoigné des incohérences et des contradictions entre les attentes exprimées des consommateurs et leurs actes d’achat. « Avant la crise Covid-19, près de 9 français sur 10 disaient préférer consommer de la volaille française plutôt qu’étrangère, indique Anne Richard, directrice de l’Anvol. Cette attente s’est renforcée avec la crise mais les importations continuent de progresser ».

Les bonnes intentions des consommateurs se heurtent pour certains à leur pouvoir d’achat. Le prix du poulet standard varie du simple au double entre un poulet d’import et un poulet "made in France". « Deux produits qui n’ont de commun que la dénomination, les standards en matière de nutrition, de qualité sanitaire, de normes environnementales, de traçabilité étant incomparables, précise Eric Cachan. Un poulet fermier, c’est 1,5 euros la portion, si l’on se donne la peine de vouloir le cuire. Sans nier les problèmes de pouvoir d’achat, il y a aussi un problème de vouloir d’achat ».

Deux chiffres en disent long : les Français consacrent entre 12 et 15% de leur budget à l’alimentation, contre 50% au sortir de la 2ème guerre mondiale.

1 poulet importé = 1 poulet en RHD

Encore faut-il vouloir le cuire, ce fameux poulet. Car c’est là (aussi) que le bât blesse. La croissance de la restauration hors domicile et de la consommation de produits-services (produits transformés, livraison à domicile) fait le jeu des produits importés, à l’origine non identifiée, au détriment des achats de volaille en magasin, qui permettent d’authentifier une origine, une qualité, une traçabilité.

« En France, un poulet sur deux est importé et il se trouve qu’un poulet sur deux est consommé hors domicile, déclare Jean-Michel Schaeffer, président de l’Anvol. Le projet d’étiquetage dans la restauration hors domicile est en cours au niveau européen mais il ne concernera au départ que la viande crue. Il faut que l’on l’obtienne l’étiquetage pour tous les produits transformés ».

Une telle évolution serait de nature à soutenir la filière nationale qui a des arguments à faire valoir y compris sur le poulet standard. Ce n’est pas les indicateurs qui manquent : taille des élevages, qualité des bâtiments (lumière, intégration paysagère), recours aux antibiotiques, dont la filière promet, au rythme actuel, une réduction de leur usage de 60% à l’horizon 2025, comparativement à 2011.

Pacte Anvol Ambition 2025

Le caractère familial des exploitations est un autre atout de la filière française, qu’elle souhaite évidemment  perpétuer. Il figure en bonne place dans son Pacte Anvol Ambition 2025, aux côtés des investissements dans les bâtiments (avec un objectif de 50% de lumière naturelle). Il prévoit aussi d’auditer et d’emmener 100% des élevages vers des bonnes pratique (outils Eva et Ebene), de recourir à une alimentation garantie 0% déforestation (plateforme Duralim) ou encore de réduire l’usage des antibiotiques, comme évoqué plus haut.

La volaille française n’a pas renoncé à la quête de souveraineté alimentaire, très en vogue, mais qui se fracasse cependant contre des accords commerciaux, lesquels autorisent l’importation au sein de l’UE de 1,5 millions de tonne de poulet par an, contre « seulement » 300.000 t de viande bovine, 200.000 t de viande ovine et 50.000 t de viande porcine. « C’est énormissime », juge Jean-Michel Schaeffer. Rendez-vous en 2025.