Importations de poulet : l’interprofession tire la sonnette d’alarme

L’Anvol réclame l’activation d’une clause de sauvegarde pour réfréner les importations à bas coût, notamment d’Ukraine. Elle sollicite également une aide au développement et à l’identification de l’offre française, alors que 85% des restaurants bafouent l’obligation d’étiquetage de l’origine.

En 2020, 41% des poulets consommés en France provenaient d’autres pays. En 2021, la proportion est passée à 45% puis à 50,5% en 2022. Au cours du premier semestre 2023, les importations de poulets ont progressé de 5,3%. Et pour la première fois en 2023, les taux d’auto-approvisionnement en dindes et canards devraient descendre sous les 100%. Tel est le constat dressé par l’Anvol, l’interprofession volaille de chair, à l’occasion de sa conférence de presse de rentrée.

Entre production et consommation, l’écart se creuse

Il est le résultat, logique, d’une baisse de la production nationale sur fond de croissance forte et régulière de la consommation. Selon une note d’Agreste et de FranceAgriMer, la production de volaille, toutes espèces confondues, a baissé de 7,8% en tonnage entre 2021 et 2022, pour s’établir à 1,55 million de tonnes équivalent carcasse (Mtec). La faute aux épisodes successifs d’Influenza aviaire, qui se traduisent par des abattages préventifs, des vides sanitaires à rallonge et des plans de dédensification dans les zones les plus productives (Pays de la Loire, Sud-Ouest). La production de viande de volaille était, jusqu’en 2020, et depuis une quinzaine d’années, stabilisée autour de autour de 1,7 Mtec. Sauf que la consommation de poulet connaît un taux de croissance annuel moyen de 4,1% depuis 2012. Avec 1,53 Mtec et 22,5 kilos équivalent carcasse par habitant (kgec/hab) en 2022, elle représente désormais 26% de la consommation totale de viande, contre 18% il y a dix ans. En 2022, le poulet a ainsi détrôné la viande bovine de sa deuxième place (22 kgec/hab), derrière le porc (32,1 kgec/hab).

Clause de sauvegarde

Selon l’Anvol, la hausse des volumes importés est particulièrement marquée en provenance d’Ukraine : +75% sur 6 mois en France, +137% sur 4 mois dans l’UE. L’Anvol fait le lien avec l’accord commercial entre l’UE et l’Ukraine, renouvelé en juin pour un an, permettant l’entrée de poulet à droit nul et sans limite de volume. Bien que l’interprofession soutienne la nécessité d'une action commune de l’Union européenne pour aider l'Ukraine, elle estime injuste que son secteur supporte une part aussi importante de la charge collective. « Il faut savoir que la reconduction de cet accord revient à offrir à un seul et même groupe volailler industriel, coté en bourse à Londres et dont le siège est basé à Chypre, l’opportunité de continuer à inonder le marché européen et à développer son activité dans un pays en guerre, au détriment de la production locale française et européenne. Cette décision aura ainsi de lourdes conséquences pour la filière en France et en Europe, sans pour autant profiter à la population ukrainienne », écrit l’Anvol, qui réclame l’activation d’une clause de sauvegarde.

Pacte Ambition 2025

L’Anvol rappelle au passage que les standards de production des volailles françaises et ukrainiennes ne sont pas comparables. Elle réclame que les importations soient soumises aux mêmes obligations que les volailles françaises, et non à leur simple équivalence. L’interprofession rappelle au passage qu’elle s’est engagée, depuis 2020, dans le cadre du Pacte Ambition 2025, sur toute une série d’actions en lien avec la durabilité : diminution drastique de l’utilisation des antibiotiques, accès à la lumière naturelle dans les poulaillers, audits en matière de bien-être animal, de biosécurité, approvisionnements en matières premières françaises et en matières importées durables (zéro déforestation), maintien des élevages familiaux. Un point d’étape est prévu début 2024.

Installer, agrandir et rénover des poulaillers

En ce qui concerne la production nationale, l’Interprofession en appelle à l’appui et à l’accompagnement du gouvernement pour installer, agrandir et rénover des poulaillers classiques. « La production française de poulets standards a toute sa place aux côtés des offres de plein air et répond aux besoins du marché de disposer de poulets de qualité à un prix optimal, écrit-elle. Il s’agit d’être en mesure de répondre aux attentes en poulets standards, émanant en particulier des entreprises alimentaires de la restauration hors domicile ». A ce propos, l’Anvol demande aux pouvoirs publics de faire respecter l’obligation, pour la restauration collective et commerciale, d’indiquer aux consommateurs l'origine des viandes de volailles, comme le stipule un décret entré en vigueur le 1er mars 2022, s’appliquant aussi aux viandes de porc et de mouton, le bœuf y étant soumis depuis 2002. Selon l’Anvol, 15% seulement des restaurants respectent l’obligation.