Le Cantal, terre de (re)conversion à l’agriculture (sociétaire)

La Chambre, les JA et l’incubateur Landestini inaugurent un nouveau parcours ciblant d’un côté les Gaec en quête d’associés, et de l’autre le public en reconversion professionnelle. Un nouveau vivier, aux côtés des hors-cadre et des Non issus du milieu agricole, choyé par un dispositif hors-pair.

Le Gaec, cet acronyme étranger à la plupart de nos concitoyens, en dehors peut-être des candidats au jeu des 1000 euros (France Inter). Le Gaec, cette forme sociétaire où l’associé « pièce rapportée » peut craindre de demeurer durablement étranger au sein d’une exploitation parfois séculaire. Oui mais. Le Gaec, ce sésame qui permet de devenir agriculteur, moyennant un ticket d’entrée parfois très raisonnable et une prise de risque très relative. Et cerise sur le gâteau, ou, Cantal sur le plateau (à fromages), le Gaec dans le Cantal, un département qui n’a pas besoin de se pousser du col pour être vert toute l’année, parfois sous son manteau neigeux. Oui mais. Là comme ailleurs, la profession rétrécit à vue d’œil. « 40 % des agriculteurs seront bientôt en âge de prendre leur retraite, indique Gérard Vigier, conseiller installation-transmission à la Chambre d’agriculture. Dans les 3 à 5 ans à venir, c’est 2.000 départs assurés ».

La Chambre et les JA ont décidé de prendre l’Aubrac et la Salers par les cornes. Ce n’est pas totalement nouveau. « Le travail de sensibilisation, auprès des jeunes, et notamment les non issus du milieu agricole, à travers les établissements scolaires, les forums, les salons et les centre de formation, s’opère depuis des années, poursuit Gérard Vigier. Aujourd’hui, nous avons décidé d’élargir le spectre en nous intéressant à un autre public, celui des personnes contraintes de quitter leur entreprise ou souhaitant changer d’orientation professionnelle ».

"On va amener les repreneurs à se confronter à la réalité agricole, quitte parfois à faire tomber le rêve, mais pour éviter des déconvenues et des frustrations chez les éleveurs"

La Chambre et les JA se sont rapprochés de l’incubateur Landestini Cantal-Auvergne, soutenant l’émergence de projets à vocation alimentaire, alliant durabilité et résilience. « Il y a un travail d’acculturation réciproque à opérer, explique Emma Castel, animatrice de l’incubateur. On va par exemple demander dans certains à des cédants de repenser leur exploitation pour mieux capter ce nouveau public. Côté repreneurs, on va les amener à se confronter à la réalité agricole, quitte parfois à faire tomber le rêve, mais pour éviter des déconvenues et des frustrations chez les éleveurs, qui cherchent à revendre le travail de leur vie ».

Anthony Bacquie, en pleine opération de promotion du métier (et du Cantal), au Salon de l’Agriculture le 27 février
Anthony Bacquie, en pleine opération de promotion du métier (et du Cantal), au Salon de l’Agriculture le 27 février

Le Gaec, un sésame pour réaliser son « rêve »

Pour générer cette osmose entre cédants et « futurs reconvertis », le dispositif « Devenir agriculteur dans le Cantal », soutenu à hauteur de 30.000 euros par le Crédit Agricole Centre France via la Fondation Crédit Agricole, propose un cycle d’accompagnement de 18 mois, à immersion progressive, du stage découverte au stage longue durée préfigurant une éventuelle association, minimisant ainsi le risque d’échec. Les candidats bénéficient bien entendu des dispositifs d’accompagnement en vigueur en matière de formation et reconversion.

"Le Cantal offre de nombreuses opportunités professionnelles aux conjoints"

Pour capter ce public au moins aussi difficile à toucher que les jeunes Non issus du milieu agricole, les fameux Nima, l’incubateur Landestini Cantal-Auvergne fait du « réseautage » auprès des coaches spécialisés dans l’accompagnement des personnes en reconversion professionnelle, dans toute la France, avec en prime un petit argument pouvant faire tilt au sein des familles. « Le Cantal offre de nombreuses opportunités professionnelles aux conjoints », glisse Emma Castel. Dit autrement, il y a du boulot dans le département avec en prime, des logements (encore) à prix décent.

"J’étais porteur d’un projet dans le projet, consistant notamment à développer la sélection génétique, projet auquel les associés ont adhéré"

Mais puisque l’argent reste malgré tout le nerf de la guerre, le dispositif est complètement axé sur l’installation en Gaec. Il faut dire que sur les 180 installations annuelles comptabilisées dans le Cantal, 70% s’opèrent au sein d’un Gaec, lesquels représentent 27% des exploitations. « L’idée du dispositif, c’est aussi de faire tomber les idées reçues qui collent aux bottes de cette forme d’installation en agriculture, explique Anthony Bacquie, vice-président des JA du Cantal. Le jeune éleveur sait de quoi il parle : il est lui-même un Nima, non issu du Cantal ayant intégré un Gaec en 2019, avec une totale satisfaction qu’il attribue à trois paramètres, à commencer par le stage de parrainage. « Le deuxième élément, c’est que j’étais porteur d’un projet dans le projet, consistant notamment à développer la sélection génétique, projet auquel les associés ont adhéré. Le troisième élément est d’ordre financier. Les associés avaient fait en sorte de maintenir un niveau de capital social maximisant les chances d’un intégrer un nouvel associé ».

Précisons au passage qu’Anthony Bacquie n’était pas tout à fait dans la cible du dispositif « Devenir agriculteur dans le Cantal », salarié qu’il était pendant quelques années dans une coop, après des études agricoles. Mais son profil et la démarche s’en rapprochent à certains égards. Les mois et années à venir diront si le dispositif a visé juste. Une chose est sûre : Anthony Bacquie ne s’imagine pas un seul instant avoir à se reconvertir un jour dans un autre secteur que l’élevage.