Les anti-bassines s’enferrent dans le déni démocratique et scientifique... quoi que

Malgré l’interdiction, les opposants au projet de création de 16 retenues de substitution sur le bassin Mignon- Sèvre Niortaise ont manifesté le 29 octobre à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Selon une simulation du BRGM, le projet procurerait en période d’étiage un gain de débit + 5 % à + 6% des quatre cours alimentant le Marais poitevin contre une perte de -1% en hiver. La Confédération paysanne convoque d’autres sources.

Une manifestation interdite mais rassemblant plusieurs milliers de personnes et occasionnant des blessures à 61 gendarmes dont 22 sérieusement blessés, selon le ministre de l’Intérieur. Un protocole d’accord bafoué alors que signé en 2018 et portant sur la création de 16 retenues de substitution sur le bassin Mignon-Sèvre niortaise. Un porteur de projet (La Coopérative de l’eau) qui se conforme à la décision du tribunal administratif de Poitiers du 27 mai 2021 qui l’enjoignait à réduire de 1,2 million de m3 le volume prélevé en période hivernale pour assurer le remplissage de 9 des 16 réserves du projet. Et à la fin, des dizaines de blessés, majoritairement au sein des forces de l’ordre. « Ce n’était pas un rassemblement pacifique, a réagi le ministre de l’Agriculture sur l’antenne de France Info le 30 octobre. Je pense aux 60 gendarmes blessés sérieusement (...), quand vous voyez des tirs de mortier directement dans le visage », des tirs potentiellement « mortels » a dénoncé Marc Fesneau. Plus de 1500 gendarmes étaient mobilisés. Plusieurs manifestants ont été interpellés. Une canalisation a été sectionnée.

3ème manifestation en un an

La manifestation, à laquelle plusieurs élus EELV et LFI ont participé,  s’est déroulée sur le site de construction de la bassine de Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Elle était organisée par le collectif « Bassines Non Merci », qui milite contre « les mégabassines et l’accaparement de l’eau par l’agro-industrie ». En mars dernier, le collectif avait jeté son dévolu sur une réserve située à Le Mauzée-sur-Le-Mignon (Deux-Sèvres), après celle située à Cramchaban (Charente-Maritime) en novembre 2021, que la justice a d’ailleurs interdite, avec quatre autres, dans une décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux en mai dernier en raison d'études d'impact insuffisantes. « Les décisions de justice s’imposent à tous et elles s’imposent parfois à l’Etat, a déclaré Marc Fesneau. Et c’est les mêmes associations qui se réjouissent de telles ou telle décision en disant « on a gagné contre l’Etat en justice » et quand c’est en leur défaveur, elles ne les respectent pas ».

"On peut avoir tous les dogmes de la terre, mais ce projet-là, il est un plus et un mieux par rapport à la situation actuelle et à la situation il y a dix ans"

Pour ce qui est de la réserve de Sainte-Soline, le ministre de l’Agriculture a rappelé que les recours étaient « purgés » et que « un certain nombre d’associations qui aujourd’hui s’y opposent ont signé le protocole qui permettait de créer ces réserves de substitution pour éviter de pomper dans la nappe l’été ». (...) avec des engagements des agriculteurs sur la réduction par ailleurs des prélèvements. On peut avoir tous les dogmes de la terre, mais ce projet-là, il est un plus et un mieux par rapport à la situation actuelle et à la situation il y a dix ans ».

Un projet redimensionné plusieurs fois

Porté depuis 2011 par la Coopérative de l’eau, le projet se déploie sur trois bassins (Thouet, Sèvre Niortaise Marais Poitevin, Boutonne), situés dans les Deux-Sèvres et accessoirement en Charente-Maritime et dans la Vienne. Après de multiples recours, la décision ultime la décision du tribunal administratif de Poitiers du 27 mai 2021 a autorisé la construction de 16 réserves (contre 19 initialement) pour un volume global prélevé de 6,9 millions de m3 (contre 9 millions de m3 initialement). Le coût total du projet est estimé à 60 millions d’euros. Le financement est assuré à 70% par l’Agence de l’Eau Loire Bretagne et des fonds européens Feader, le solde étant pris en charge par les agriculteurs concernés, au nombre de plusieurs centaines.

Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a réalisé plusieurs études d’impact, au gré du feuilleton judiciaire et du redimensionnement du projet, à partir d’un modèle hydrogéologique (« Jurassique ») permettant de simuler des scénarios de prélèvements hivernaux pour le remplissage et des économies d’eau au printemps et en été.

La simulation du BRGM

La dernière simulation en date du BRGM remonte à juin dernier. En période d’étiage, « on pourrait observer une augmentation du débit entrant dans le Marais poitevin de + 200 l/s à + 300 l/s via les cours d’eau, soit + 5 % à + 6% du débit initial », indique le BRGM, dont le modèle prend en référence la période 2000-2011. « Il est probable que la hausse attendue des piézométries en été avec le projet de la Coopérative conduise également à un meilleur soutien des niveaux d’eau du Marais poitevin en période d’étiage ».

En période hivernale, sur le bassin du Mignon et de la Courance, « les rabattements piézométriques dus aux pompages hivernaux du projet 2021 de la Coopérative dépassent souvent 50 cm sur la nappe libre du Jurassique supérieur (de 5 % à 10 % de l’amplitude du battement de nappe) par rapport à la simulation de référence, écrit le BRGM. Le débit entrant dans le Marais poitevin serait diminué de - 200 l/s à - 300 l/s entre la simulation 2021 et la simulation de référence, soit - 1% des 25 m3/s à 30 m3/s observés en moyenne en janvier sur la période 2000-2011 ».

Les cautions scientifiques de la Conf’

Opposée au projet, la Confédération paysanne convoque d’autres cautions scientifiques, telles que Christian Amblard, directeur de recherche honoraire au CNRS, qui parle de « non-sens », car « lorsqu'on stocke l'eau de manière artificielle, on assèche les sols et brise la continuité écologique (...) D'autant que l'eau stockée en surface stagne et s'évapore ». Pour l’hydrologue Emma Haziza, docteure de l'Ecole des Mines de Paris, « à force de pomper dans les nappes, celles-ci se fragilisent, leur niveau d'équilibre baisse jusqu'à leur tarissement » quand « il faut compter près de 10 ans pour qu'une nappe se reconstitue, à condition de lui en laisser l'occasion… ».

La Conf’ cite également Magali Reghezza, géographe, membre du Haut Conseil pour le climat, et Florence Habets, hydrométéorologue, directrice de recherche au CNRS : « La tendance à investir dans de nouvelles constructions consiste en effet à fixer (réparer) un dysfonctionnement (ici le manque d'eau), en immobilisant du capital dans une infrastructure, au lieu d'investir pour soutenir la transition vers des pratiques moins gourmandes en eau ».

Le ministre fustige les « y a qu’à faut qu’onistes »

Sur France Info, Marc Fesneau a évoqué un « double mouvement », un mouvement « pour mieux capter l’eau quand elle est en trop-plein en automne et hiver » et un mouvement de « changement de pratiques, éventuellement de variétés et d’espèces pour s’adapter, mais ce n’est pas l’un sans l’autre ». Le ministre de l’Agriculture a fustigé les « y a qu’à faut qu’onistes », qui s’en remettent aux seules prairies. « Quand vous regardez l’état des prairies cet été, il y a un certain nombre d’éleveurs qui ne peuvent plus nourrir leurs animaux parce qu’ils ont un système complètement prairies (...) Il faut construire des alternatives mais ce n’est pas en 24 mois ou en 12 mois que ça se construit. Dans le projet dont on parle, dans bien des cas, on réduit de 30 à 50% la culture du maïs » a dit encore le ministre.

Marc Fesneau a aussi évoqué aussi « l’arythmie » des pluies et « les 300 mm tombés en un mois dans la Marne », ce qui ne correspond pas à la pluviométrie « normale », qui « ruissellent et qui vont très vite à la mer, c’est cette eau là que on peut essayer de capter, pour se substituer aux besoins qui peuvent se manifester l’été (...). Le Giec dit que globalement la quantité d’eau qui va tomber sur la France sera de même nature en volume, en quantité ».