Agriculture : quand la société s’emmêle

[Edito] En l’espace d’une semaine, deux évènements distincts ont rappelé à quel point les débats étaient rarement apaisés entre le monde agricole et la société civile, et en particulier les détracteurs de « l’agro-business ».

Le 19 mars, un train contenant des grains à destination d’un site de production d’alimentation animale a été bloqué par un groupe d’une quarantaine d’activistes « Bretagne contre les fermes usines ». Une partie de la cargaison a été déchargée sur les voies, un gaspillage qui a indigné jusqu’au ministre de l’Agriculture. Les activistes pensaient intercepter un train de soja en provenance d’Amérique du sud et ainsi dénoncer l’agriculture intensive. Manque de chance, il s’agissait d’un train de blé, bien français. Les 1500 tonnes déversées étaient l’équivalent de 6 millions de baguettes, a déploré Intercéréales dans un communiqué.

Le 26 mars, une manifestation contre une retenue d’eau a rassemblé quelques 6000 personnes dans les Deux-Sèvres à l’appel du collectif « Bassines non merci » et de la Confédération paysanne notamment. La Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) avait également appelé ses adhérents à y participer. Les manifestants ciblaient le réseau de pompage d’une « méga-bassine en projet », mais ce sont finalement une canalisation et un local d’irrigation qui ont été endommagés, appartenant à deux éleveurs bio de vaches maraichines. Une partie de leurs champs ont été piétinés.

Cafouillages

Sous couvert de lutte contre « l’agro-industrie », les cafouillages de ces deux actions discréditent le discours des activistes. Ils font écho aux actions « coup de poing » de militants animalistes s’infiltrant dans des élevages, taguant les murs des stabulations, avec pour résultats d’apeurer les animaux et de choquer les éleveurs et leurs familles. Ou aux faits d’armes des « faucheurs volontaires » saccageant des parcelles de tournesol VTH (variétés tolérantes aux herbicides) pourtant parfaitement légales.

Ces actions rappellent plus généralement à quel point la cohabitation entre l’agriculture et la société peut être difficile. Il n’y a qu’à voir les tensions que peuvent engendrer des projets d’installations agricoles : ici une réserve d’irrigation, là une unité de méthanisation, ailleurs un poulailler… dans de nombreux cas, les projets entraînent des conflits de voisinage, et même une fois validés par l’administration, peuvent ensuite être attaqués en justice par des associations et leur exploitation bloquée par les recours.

L’agriculture a un défaut : ce n’est pas une activité « cachée ». Elle est en plein air, au contact des habitants, et se déploie sur tout le territoire. Parfois, elle entraîne des nuisances. Des débats légitimes sont à mener sur le partage des ressources naturelles, la protection de l’environnement, le bien-être des animaux, etc. De nombreux moyens sont mis en place pour la transition vers une agriculture performante à la fois économiquement, mais aussi écologiquement et socialement. Les transitions agricoles sont en cours et le seront encore davantage dans les années à venir. Mais les débats sont à mener dans le calme et la concertation, non dans les actions-choc et les dégradations. S’en mêler sans s’emmêler, tout est dans la nuance.