Les dérogations des chartes ZNT riverains restent effectives, sauf si...

La décision récente du Conseil constitutionnel a jeté un trouble que les autorités ne s’empressent pas d’éclaircir. Dans les départements où la charte ne fait pas l’objet de contentieux, elle reste applicable en l’état, au moins jusqu’à ce que l’article visé par le Conseil constitutionnel soit modifié.

Le 19 mars dernier, le Conseil constitutionnel estimait que la méthode d'élaboration des chartes locales permettant de réduire les zones de non traitement (ZNT) entre les habitations et les zones d'épandage de pesticides était contraire à la Constitution, au regard de l’article 7 de la charte de l’environnement. Deux points de l’article L.253-8 du Code rural et de la pêche maritime étaient visés et concernaient tous deux le processus de concertation. Le Conseil constitutionnel estime insuffisamment précise la définition du caractère départemental de la concertation et réprouve le fait que la consultation ne se tienne qu’avec les représentants de riverains potentiellement concernés par la réduction des ZNT.

"En Centre Val de Loire, les dérogations concernant les distances de sécurité restent aujourd'hui valides"

« En Eure-et-Loir, la concertation ne s’est pas limitée à cette partie de la population mais à tout le département, moyennant la mobilisation de gros moyens humains et financiers, précise Maxime Magat, juriste et chargé de mission environnement à la FNSEA Centre Val de Loire. En pratique, la décision du Conseil constitutionnel ne s’applique que dans les situations où il existe des contentieux, sachant que les associations contestant les chartes avaient deux mois pour déposer des recours après leur validation par les Préfets. En Région Centre Val de Loire, aucun département n’est concerné par un contentieux, en conséquence de quoi les dérogations concernant les distances de sécurité restent valides. Mais ce que j’affirme là est valable aujourd’hui. Si le texte censuré par le Conseil constitutionnel est réécrit, et il le sera nécessairement, la situation ne sera plus la même. J’espère que l’on pourra achever la saison en cours sur les bases actuelles ».

Des agriculteurs dans l’expectative

Au niveau national comme dans les départements, les autorités sont restées muettes quant aux conséquences immédiates de la décision du Conseil constitutionnel. « On attend des informations de la DDT qui elle-même en attend du ministère, explique Marc Sangoy, élu à la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire et président de la Cave de Lugny. Dans ces conditions, on est bien en peine d’informer les agriculteurs, alors que les céréaliers entament la protection de leurs cultures et que les désherbages s’opèrent dans les vignes, en attendant le débourrement imminent dans notre région ».

Marc Sangoy, président de la Cave de Lugny et maire de Bissy-la-Mâconnaise en Saône-et-Loire (Crédit photo : Cave de Lugny)
Marc Sangoy, président de la Cave de Lugny et maire de Bissy-la-Mâconnaise en Saône-et-Loire (Crédit photo : Cave de Lugny)

Pour mémoire, en dehors d’une liste d’environ 130 produit soumis à une ZNT incompressible de 20 mètres et des produits bio et de biocontrôle exempts pour certains de ZNT (se référer à l’AMM), l’arrêté et le décret du 29 décembre 2019 permettent de réduire les distances de sécurité de 10 mètres en vigne-arbo et 5 mètres en grandes cultures à respectivement 5 mètres et 3 mètres moyennant deux conditions. La dérogation doit être spécifiée dans la charte départementale et les applications doivent mettre en œuvre des moyens de réduction de dérive homologués, répertoriés sur une liste publiée au Bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture.

"Selon les villages, les ZNT riverains entament le potentiel viticole dans une fourchette comprise entre 2% et 10%"

La mise en œuvre des chartes a demandé aux agriculteurs de gros efforts d’adaptation, tels qu’une segmentation intra-parcellaire de la pulvérisation, avec des bouts de rangs traités avec des produits bio pour ne pas entamer le potentiel de production des parcelles. On imagine le gymkhana dans les parcelles mais le jeu en vaut la chandelle. « Selon les villages, les ZNT riverains entament le potentiel viticole dans une fourchette comprise entre 2% et 10% », énonce Marc Sangoy qui, à titre personnel, a entamé la conversion d’une partie de son exploitation.

En grandes cultures, les agriculteurs aimeraient d’autant plus être fixés que les déclarations Pac se profilent à l’horizon, avec leur corollaire que sont les contrôles ultérieurs. « C’est potentiellement problématique au niveau de la largeur des bandes enherbées ou encore des doses hectare de produits phytosanitaires », explique Maxime Magat.

Si la décision du Conseil constitutionnel trouble les agriculteurs, elle pourrait aussi créer la confusion dans la population. Avec sa casquette de maire du village de Bissy-la-Mâconnaise, Marc Sangoy n’en a pas fini avec la pédagogie. L’application mobile Agricivis, développée par le Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, arrive à point nommé.