Les importations de poulet repartent à la hausse

Le redémarrage de la restauration hors foyer suite au Covid a de nouveau fait le jeu des importations. Si l’Etat a réglé la question de l’étiquetage de l’origine et des antibiotiques activateurs de croissance, la filière reste sous le coup des injonctions contradictoires des consommateurs, le tout sur fond d’explosion du prix de l’aliment.

En 2020, année de tous les confinements et de fermetures répétées des restaurants commerciaux et collectifs, les importations de volaille avaient reflué de 3%, pour s’établir tout de même à 34% de la consommation nationale. En 2021, année marquée par la fin des restrictions impactant nos modes de consommation, les importations sont reparties à la hausse, pour s’établir à 38%, selon l’Anvol, l’interprofession volaille de chair.

"La filière française des volailles de chair est désormais en danger"

Cette tendance est tirée par le poulet qui, en 2021, représente 75% de la consommation de viande volaille en France, et dont le taux d’importation est passé de 41% à 45% entre 2020 et 2021. En 2000, le taux d’importation était de 25%. La situation est d’autant plus problématique que la consommation de volaille est en hausse : +1,9% en 2021. « La filière française des volailles de chair est désormais en danger », alerte Jean-Michel Schaeffer, président de l’Anvol.

En attendant l’impact de l’étiquetage

La lutte contre les importations, priorité numéro un de la filière, devrait bénéficier de l’étiquetage de l’origine des viandes servies en restauration hors domicile (RHD), qui s’appliquera à la volaille à compter du 1er mars prochain. Le ministère vient en prime de décréter l’interdiction d’importer des volailles (et autres viandes) ayant reçu des antibiotiques activateurs de croissance en provenance des pays tiers. Le tout devrait inciter la RHD, principal pourvoyeur de volailles extra-européennes, à réorienter ses sources d’approvisionnement.

L’Anvol se garde de tout pronostic et attend du ministère qu’il élargisse l’obligation d’étiquetage aux viandes élaborées et pas seulement crues. Et à propos des antibiotiques activateurs de croissance, l’interprofession regrette que la mesure relève des procédures des entreprises, et non de contrôles aux frontières dûment réalisés par les autorités.

En butte au vouloir et au pouvoir d’achat

Mais il ne faut pas confondre obligation d’étiquetage, dans les restaurants collectifs et commerciaux, avec obligation d’acheter français. Et à cet égard, la filière volailles de chair, comme d’autres, fait l’amer constat que les bonnes volontés affichées dans les enquêtes d’opinion sont percutées par la réalité du porte-monnaie. Avant la Covid-19, près de 9 Français sur 10 (89 %) disaient préférer consommer de la volaille française plutôt qu’étrangère, dans une enquête de 2019 (Association de promotion de la volaille française / OpinionWay). « L’attente s’est renforcée après la crise, mais en consacrant 7 à 9 euros par jour et par personne à l’alimentation, c’est compliqué », juge Gilles Huttepain, vice-président de la Fédération des industries avicoles (FIA). « Citoyen de bon matin, consommateur passé le quart d’heure », comme dirait le ministre de l’Agriculture

L’Anvol a fait ses comptes : le filet de poulet s’affiche à 5,80 €/kg en France contre 4,20 €/kg en Pologne et 3,10 €/kg en Ukraine. L’écart s’explique par le différentiel de charges et le modèle d’élevage. Mais pas seulement. « Dans le cadre de sa politique de soutien aux pays en retard de développement, l’Europe attribue des aides à l’investissement dans la production et dans la transformation au sein de certains pays tiers, dénonce Jean-Michel Schaeffer. C’est autant de perte de compétitivité ».

"La hausse du coût de l’aliment, à des niveaux que je n’ai jamais vus, menace la contractualisation, qui caractérise 100% de notre filière depuis des décennies"

L’Anvol ne perd pas espoir de reconquérir le marché national et les consommateurs français, même si l’explosion du prix des matières premières, qui représentant 60 à 65% du coût de production des volailles, va peser de plus en plus sur le pouvoir d’achat. Du moins tant qu’ils sont répercutés sur le prix final. « La hausse du coût de l’aliment, à des niveaux que je n’ai jamais vus, menace la contractualisation, qui caractérise 100% de notre filière depuis des décennies », s’inquiète Gille Huttepain. Un comble l’heure d’Egalim 2.

Campagne, campagne...

Pour démontrer les gages de qualité de la filière française, l’Anvol s’apprête à lancer une campagne de communication, avec notamment la réalisation d’un film donnant à voir la réalité de l’élevage français (et accepter la construction de poulaillers de taille familiale) ou encore un blog pour tout savoir sur les volailles de chair. Et pour les candidats en campagne présidentielle, l’interprofession a aussi dressé sa liste de doléances. On retiendra celles consistant à soutenir l’investissement dans l’installation et la rénovation de poulaillers ou encore le renforcement de l’attractivité des métiers. Car sans élevages, sans éleveurs et sans forces vives, en présence d'une consommation en hausse, l'équation va devenir sacrément complexe.

 

Des interrogations sur la vaccination des palmipèdes

Sur le front de l’influenza aviaire, l’Anvol s’interroge, moins sur le fond que sur la forme, du dispositif expérimental de vaccination des palmipèdes, dont le démarrage est imminent. « Nous soutenons l’expérimentation mais il est très risqué d’annoncer le lancement d’une étude expérimentale en France avant d’avoir convaincu nos partenaires européens, voire nos clients internationaux, de l’intérêt scientifique de cette démarche, déclare Paul Lopez, président de la Fédération des industries avicoles (FIA). En génétique comme en viande, c’est un terrain particulièrement fertile pour nos pays concurrents qui se servent de ces déclarations pour dire que la France n’est plus un pays dans lequel on ne peut plus avoir confiance sur le plan sanitaire, ce qui est une hérésie. Suite aux premières déclarations, certaines entreprises de génétique ne comprennent pas que la France, ayant été le berceau des souches pour la diversification des volailles, prenne cette orientation. Ces entreprises ne vont plus investir en France et pourraient même quitter le territoire ».