Les OGM seront-ils au menu des clauses miroirs ?

[Edito] La France va mettre à profit l’exercice de la présidence de l’UE au premier semestre 2022 pour tenter d’imposer ses exigences agro-environnementales au reste du monde. Question : renoncera-t-elle au soja OGM ou convaincra-t-elle sa population du bien-fondé des NBT, à défaut des OGM ?

« Comment l’Europe peut-elle continuer à importer autant de produits dont la production n’est pas autorisée dans notre pays » ? Cette question, c’est Julien Denormandie qui l’a posée mardi 5 octobre au Sommet de l’élevage. Face à des centaines d’éleveurs, d’étudiants et d’élèves, le ministre de l’Agriculture a fait plus qu’exposer son programme de travail pour la présidence de l’UE au premier semestre 2022. Il a échafaudé en quelque sorte le troisième pilier de la Pac. « Après les années de puissance économique dans les années 1960, après les années de transitions agro-environnementales et bien-être animal à l’œuvre depuis 25 ans, il faut désormais s’attaquer à la protection de notre système. C’est à l’Europe d’imposer ses normes à l’extérieur et ne pas se faire imposer les normes des autres ».

« Il faut changer les règles du commerce international »

La déclaration n’a pas laissé indifférent Pascal Lamy, invité à éclairer le débat, en sa qualité d’ex-commissaire européen au commerce et ex-directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Sur le fond, il n’a pas contredit Julien Denormandie. « Dans la mesure où on impose à nos producteurs, et notamment dans le secteur de l’élevage, des contraintes supplémentaires, il va falloir en imposer davantage à l’importation, ça me paraît absolument clair ». En revanche, sur la forme... « Une fois que l’on a dit ça, on a posé un principe, mais on a n’a pas réglé les détails et le couloir est étroit entre nos exigences et les contraintes du commerce international ».

Julien Denormandie s’est fait frondeur : « Il faut changer les règles du commerce international. Je suis convaincu de la victoire de court terme sur les actes délégués concernant les antibiotiques activateurs de croissance et de moyen terme sur les accords de libre-échange. C’est cela la beauté de la politique, c’est d’y aller avec beaucoup de force et de conviction, en se disant que l’on va faire changer les choses ». Et de citer l’exemple du bœuf aux hormones interdit d’importation dans l’UE.

Le boomerang des OGM

Si l’on ne consomme pas de bœuf aux hormones en Europe, on consomme en revanche du bœuf et du poulet élevés ailleurs avec du soja OGM, sinon élevé ici avec du soja OGM venu d’ailleurs. La France importe bon an mal an trois millions de tonnes de soja, principalement du Brésil, donc obligatoirement OGM et accessoirement déforestant.

De la déforestation, il en fut question lors du débat au Sommet, tout comme des antibiotiques facteurs de croissance, des lentilles canadiennes séchées sur pied au glyphosate, des porcheries chinoises à dix étages, des élevages bovins américains ou de poulets ukrainiens à effectifs surnuméraires. Mais d’OGM, deux heures durant, nenni, rien.

Petit rappel de la question liminaire : « Comment l’Europe peut-elle continuer à importer autant de produits dont la production n’est pas autorisée dans notre pays » ? Trois hypothèses. En mettant les poulets et les bovins à la diète ? En vitaminant les « plan-plan » protéines ? Sinon en autorisant les OGM, sinon les NBT, tuant ainsi la question dans l’œuf (et dans le bœuf) ? Dans ce cas-là, ce n’est pas à l’OMC que le combat va se jouer mais auprès des 450 millions de consommateurs européens. « Y aller avec beaucoup de force et de conviction ».