Compte-à-rebours et calculette zéro soja déforesté pour Duralim

La plateforme collaborative Duralim crée un observatoire permettant à chaque opérateur de la chaine alimentaire d’évaluer la quote-part de soja potentiellement associé à la déforestation. L’incertitude, qui concerne aujourd’hui 62% des sojas brésiliens, doit être ramenée à zéro d’ici à 2025.

62% : c’est la part de soja importée en France au cours de la campagne 2019-2020 et pour laquelle les acheteurs n’avaient pas de garantie sur sa contribution, ou non, à la déforestation en Amazonie. « Ce ratio ne signifie pas que 62% des importations de soja sont issues de parcelles déforestées », précise Patricia Le Cadre, directrice des études alimentation et filières animales au Céréopa. Céréopa, c’est un bureau d’études indépendant attaché à AgroParisTech, au service de la compétitivité durable des filières agricoles. Et la mission que lui a confiée Duralim, c’est précisément de lever les incertitudes entourant cette quote-part de 62%. La prédilection pour le soja brésilien est historiquement liée à l’approvisionnement en soja non OGM.

Tracer tous les flux et tous les produits

Créée en 2016, la plateforme Duralim fédère près d’une centaine de membres représentant l’ensemble de la chaine alimentaire, des éleveurs aux distributeurs en passant par les importateurs et les fabricants d’aliments. Son credo : l’alimentation durables des animaux d’élevage. Son objectif ? « Atteindre 100% d’approvisionnements durables en soja d’ici 2025 » déclare son président Jean-François Arnauld, éleveur en Charente-Maritime. L’objectif est ambitieux. D’abord parce que la France s’est fixé cet objectif à l’horizon 2030 seulement, pour les produits critiques que sont le bois et ses dérivés, le cacao, l’hévéa, l’huile de palme et donc le soja, dans le cadre de sa Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), adoptée en 2018. Ensuite parce que remonter la trace de graines de soja, mais aussi des tourteaux, de l’huile ou encore des coques, transitant par bateau entre deux continents et de multiples ports, sans compter les échanges intra-européens, est une gageure.

"Nous travaillons avec les ONG car nous devons réunir toutes les compétences pour atteindre notre objectif "

C’est tout le défi de l’observatoire du risque élaboré par le Céréopa pour Duralim, voué à être réactualisé chaque année et permettant, in fine, à chaque opérateur de la chaine de jauger la durabilité de ses approvisionnements. « Nous travaillons main dans la main avec les importateurs, pleinement conscients de la problématique, assure Jean-François Arnauld. Nous travaillons également avec les ONG car nous devons réunir toutes les compétences pour atteindre notre objectif ».

A noter que la méthodologie développée par le Céréopa a reçu la bénédiction du ministère de la Transition écologique.

L’écueil du surcoût et des viandes importées

Avec la mise au point de son observatoire, Duralim espère achever de lever les incertitudes pesant les deux tiers de l’approvisionnement et atteindre son objectif de 100% de soja garanti sans déforestation en 2025. La montée en puissance passera par la mise en œuvre de process de caractérisation des zones de production, de ségrégation et de certification. Techniquement parlant, le défi est relevable. « La zone critique se situe dans la région du Cerrado, dont on sait que 2% de surfaces ont été déforestées depuis 2014, explique Patricia Le Cadre. Au final, le part de soja déforesté est donc toute relative ».

Le problème est moins technique que financier car Duralim estime, en fonction des process mis en œuvre, entre 20 et 70 millions d'euros le surcoût lié à la certification zéro déforestation, Toute la question est de savoir sur quel(s) maillon(s) de la chaine alimentaire l’imputer... Duralim aimerait que les éleveurs et les fabricants d’aliment soient épargnés, histoire de ne pas entamer la compétitivité des filières animales françaises. Et dans le même registre se pose aussi la question du statut des viandes importées au regard de la déforestation. « Il appartient aux distributeurs d’être vigilants sur leurs achats et d’imposer ces mêmes contraintes aux origines UE et pays tiers », déclare Jean-François Arnauld. Pour des questions de coût, Duralim écarte l’idée d’une labellisation des viandes garanties sans soja déforestant.