Les syndicats vent debout contre le projet de taxer les engrais azotés

FNSEA-JA et la Coordination rurale dénoncent le projet de taxation des engrais inscrit dans la future loi sur le climat. Les premiers défendent les efforts de réduction déjà consentis. La seconde demande un soutien aux légumineuses à la hauteur des enjeux.

Après la Redevance pour pollution diffuse (RPD), ciblant les produits phytosanitaires, les engrais minéraux azotés pourraient aussi passer à la caisse à compter de 2024. Le projet de Loi climat et résilience, dont l’examen s’est achevé en Commission spéciale, prévoit en effet l’instauration d’une redevance à compter de 2024, au cas où leur usage dépasserait un certain seuil. « On sait que l’on va être taxé mais on n’a aucune idée des montants et des seuils en jeu », s’insurge Damien Brunelle, 1er vice-Président de la Coordination rurale et président de France grandes cultures. « Les parlementaires eux-mêmes ne le savent pas. On marche sur la tête. A qui va profiter l’argent ? », s’interroge le responsable syndical, faisant allusion au prélèvement de 41 millions d’euros sur la RPD entre 2011 et 2015, au profit d’Ecophyto, au détriment de la recherche d'alternatives.

"Le solde du bilan azoté a diminué de 35% entre 1995 et 2010 et l’utilisation des engrais minéraux de 50%"

Du côté de la FNSEA et des JA, on met en avant les efforts consentis pour réduire la pression des nitrates sur l’environnement. « Dans les élevages laitiers de l’Ouest, le solde du bilan azoté a diminué de 35% entre 1995 et 2010 et l’utilisation des engrais minéraux de 50% », écrivent-ils dans un communiqué. Et de dénoncer la distorsion de traitement. « De 2014 à 2020, une vingtaine d’Etats membres, dont les pays du Nord, ont actionné des dispositifs d’aide aux investissements agricoles visant à diminuer les émissions et certains agriculteurs ont ainsi bénéficié de subventions prenant en charge jusqu’à 90% des investissements réalisés ».

Les protéines sous le boisseau

Les syndicats dénoncent l’absence de solutions alternatives. « Le gisement en matières fertilisantes d’origine organique ne permettra pas de couvrir l‘ensemble des besoins, et ce même en adoptant une stratégie de « sobriété » en azote », fait savoir le syndicat majoritaire, faisant référence à la récente étude prospective sur les Matières fertilisantes d’origine résiduaire (Mafor) publiée par le ministère de l’Agriculture.

"On n’est certes pas compétitif sur les protéines, à tel point que j’ai des voisins qui comptent les rendements des pois en kilos. Mais que fait la Pac ?"

En attendant une très hypothétique déspécialisation et reconnexion de l’élevage et des cultures, la Coordination rurale entrouvre une autre piste, celle des protéines. « Moi j’y crois à la polyculture-élevage, mais aucun député de tout bord ne veut entendre parler d’élevage et de viande, s’exaspère Damien Brunelle. Quand va-t-on dénoncer ces accords de Blair House qui depuis bientôt trente ans brident l’Union européenne en matière de production de protéines à base de légumineuses ? On n’est certes pas compétitif en matière de protéines, à tel point que j’ai des voisins qui, en 2020, ont compté les rendements des pois en kilos. Que fait la Pac » ?

Directive nitrates et Green Deal

En attendant, les nuages s’amoncellent sur la fertilisation azotée. En septembre prochain entreront en vigueur les 7èmes programmes d’action de la directive nitrate. Selon Eaufrance, le service public d’information sur l’eau, la qualité de l’eau au regard des nitrates laisse encore largement à désirer. En 2018, la pollution par les nitrates a entrainé la fermeture de près de 1000 captages destinés à l’alimentation en eau potable (AEP), un chiffre en constante progression depuis 20 ans. Selon les analyses de rapportage à la Commission européenne, fondées sur l’analyse des stations de mesure, la situation (2018-2019) est loin des objectifs de qualité de la directive nitrates et de la directive cadre sur l’eau puisque 46,8% des stations en eaux de surface dépassent la norme de 25 mg/l et 17,6% des stations en eaux souterraines la norme de 50 mg/l.

Dans le cadre de la Stratégie Biodiversité, la Commission européenne s’est fixée l’objectif de réduire de 20% l’usage des engrais de synthèse d’ici à 2030.