Loi Climat et résilience : quelles incidences sur l’agriculture ?

Votée en première lecture à l’Assemblée nationale, la loi présente des avancées en matière de lutte contre l’artificialisation des sols. Les écosystèmes et hydrosystèmes sont aussi mieux protégés. Les engrais azotés sont placés sous surveillance. Les produits de qualité s’invitent un peu plus dans la restauration collective, qui ménage davantage de menus végétariens.

Après plus de 110 heures de débats en séance et l’examen d’un millier d’amendements, la loi Climat et résilience a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 4 mai. Le Sénat examinera le texte courant juin. Inspirée par la Convention citoyenne sur le climat, la loi compte 218 articles et balaie tous les champs de la transition écologique (transport, alimentation, consommation, travail, aménagement du territoire), sans oublier la justice environnementale, avec l’instauration de plusieurs délits : délit de mise en danger de l’environnement, délit général de pollution des milieux (flore, faune et qualité de l’air, du sol ou de l’eau) et délit d’écocide.

Chaque année, avec l’appui du Haut Conseil pour le Climat, la loi fera l’objet d’une évaluation par la Cour des comptes, à laquelle le gouvernement sera sommé de répondre devant le Parlement.

Lutte contre l’artificialisation des sols

Le rythme d’artificialisation des espaces agricoles, forestiers et naturels devra être divisé par deux sur la décennie 2021-2030, comparativement à la décennie précédente (articles 48 et 49). Selon l’Observatoire de l’artificialisation des sols, 276.376 ha ont été artificialisés entre 2010 et 2019. Le « zéro artificialisation nette » devra être atteint d’ici à 2050. Cette mesure sera appliquée par l’ensemble des collectivités territoriales. Les communes situées dans des zones à forte croissance démographique ou avec un déséquilibre marqué entre offre et demande de logements auront l’obligation de fixer une surface minimale de zones non imperméabilisées dans leur PLU.

Il sera interdit de construire de nouveaux centres commerciaux qui artificialiseraient des terres sans démontrer leur nécessité, selon une série de critères « précis et contraignants ». Aucune exception ne pourra être faite pour les surfaces de vente de plus de 10.000 m2. Les demandes de dérogation pour tous les projets d’une surface de vente supérieure à 3.000 m2 seront examinées par une commission nationale. En ce qui concerne les entrepôts logistiques, des secteurs d’implantation privilégiés seront définis, en lien avec les collectivités et la population. Le préfet pourra refuser tout projet manifestement incompatible avec les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols.

Espaces et hydrosystèmes protégés

L’article 56 inscrit dans le droit les objectifs de protection des espaces formalisés en début d’année dans la Stratégie nationale pour les aires protégées 2020-2030, fixant à 30% le taux d’espaces protégés en terre et mer, avec 10% en protection forte. La stratégie sera obligatoirement élaborée et mise en œuvre en concertation avec l’ensemble des parties prenantes et sur la base de données scientifiques disponibles, puis mise à jour. La surface d’aires protégées ne pourra pas diminuer.

L’article 19 entérine le renforcement de la protection des ressources en eau souterraine stratégiques et érige la qualité de l’eau au rang de patrimoine commun de la Nation. Il inscrit dans la loi la restauration des milieux aquatiques, notamment des tourbières, mangroves, ripisylves et herbiers marins, au titre de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et des services écosystémiques tels que la séquestration de carbone.

Les engrais azotés sur la sellette

A travers ses articles 62 et 63, la loi Climat et résilience va définir une trajectoire annuelle de réduction des émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniac du secteur agricole jusqu’en 2030. Tous secteurs confondus, la fertilisation azotée est à l’origine d’environ 35 % des émissions de protoxyde d’azote, un puissant gaz à effet de serre, et de 45 % des émissions d’ammoniac, un polluant précurseur de particules. Si les objectifs annuels de réduction ne sont pas tenus deux années successives et si une taxation européenne des engrais azotés d’origine minérale n’est pas encore mise en place, le Gouvernement présentera au vote du Parlement une redevance différenciée sur les engrais azotés minéraux, avec une entrée en vigueur au 1er janvier de l’année suivante.

Menus végétariens et produits de qualité

A compter de 2023, au sein des cantines des établissements publics, des entreprises publiques et des universités proposant des choix multiples, un menu végétarien devra obligatoirement être proposé. L’article 59  rend également obligatoire un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires, une mesure expérimentée dans le cadre de la loi Egalim et jugée concluante. Le même article permet la mise en place d’une expérimentation à partir de la promulgation de la loi pour qu’un choix végétarien quotidien soit proposé dans les cantines des collectivités volontaires.

Pour mémoire, la loi Egalim a fixé au 1er janvier 2022 avait l’obligation de proposer 50 % de produits de qualité dont 20 % de produits bio au sein la restauration collective publique (cantines scolaires, hôpitaux, maisons de retraite...). Cette obligation s’appliquera la restauration collective privée (restaurants d’entreprise par exemple) à compter de 2025 (article 60). Dès 2024, 60 % de la viande et des produits de la pêche servis en restauration collective publique et privée devront respecter des critères de qualité.

L’article 61 bis fait mention de l’intégration des démarches de certification environnementale dans les Projets alimentaires territoriaux (PAT).

Lutte contre la déforestation importée

L’article 64 consacre la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée en lui donnant une valeur législative. A compter de 2022, l’Etat ne se fournira plus en en produits ayant contribué à la déforestation. A destination des entreprises sera créée une plateforme de lutte contre la déforestation importée. Les données douanières seront utilisées pour améliorer la transparence et la traçabilité des chaînes d’approvisionnement en matières premières agricoles.