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Veillée d’armes sur la gestion de l’eau
Alors que les premiers arrêtés sécheresse commencent à tomber, la question de l’eau va remonter à la surface, avec en ligne de mire le décret sur les autorisations uniques de prélèvement, la loi Climat et le « Varenne sur l’eau et le climat » annoncé par le ministre de l’Agriculture.
« C’est le plus mauvais départ depuis mon installation il y a dix ans ». A Pouilly-les-Nonains (Loire), Christophe Chaize, éleveur de bovins charolais, est inquiet. « Sur mon système à pâturage tournant dynamique, je devrais être sur des retours tous les 18 à 20 jours mais là j’en suis rendu à 40 jours. C’est le résultat de dix jours de gel en avril et du manque d’eau. Tout va se jouer au mois de mai ».
Le département de la Loire ne fait pas partie des sept départements concernés par les premiers arrêtés restreignant l’usage de l’eau, recensés par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique en date du 29 avril. Sont concernés l’Ain, la Charente, la Charente-Maritime, la Loire-Atlantique, le Rhône, les Deux-Sèvres et la Vendée.
Après le gel, le sujet de l’eau pourrait très vite occuper le devant de la scène climatique et médiatique. « Les deux sont liés puisqu’un certain nombre d’arboriculteurs ont pu sauver leur récolte ou limiter les dégâts grâce à la micro-aspersion, déclare Éric Frétillère, président des Irrigants de France. La problématique traverse tous les territoires et toutes les productions ».
Un décret qui se fait attendre
La profession commence à désespérer la sortie d’un décret relatif à la gestion quantitative de l’eau, renforçant la sécurité juridique des Autorisations pluriannuelles de prélèvement (AUP) par les Organismes uniques de gestion de l’eau (OUGC), ainsi que celle des arrêtés d’autorisation de réserves d’eau. Le texte est discuté depuis plus de deux ans au sein d’un groupe de travail (Corena), associant les ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique et l’APCA. « Le projet de décret devrait être présenté au Conseil des ministres au début du mois de juin, déclare le président des Irrigants de France. Sur le fond, rien n’est encore gagné, nous attendons encore des modifications au plan de la sécurisation juridique ».
Des PTGE en rade
Si le décret voit effectivement le jour et s’il répond à ses attendus, il devrait éviter les imbroglios du type de celui qui mine le Projet de territoire et de gestion de l’eau (PTGE) du Midour, du nom d’un cours d’eau et d’un bassin à la croisée des départements du Gers et des Landes, adopté en mars 2020. « Ce projet a été adopté à l’unanimité des parties prenantes, organisations non gouvernementales comprises, mais sa mise en œuvre est bloquée par le recours d’une association environnementaliste », s’exaspère Eric Frétillère.
Instaurés en 2018, les PTGE, succédant aux projets de territoires institués en 2015, étaient censés faire émerger des projets cochant toutes les cases de la durabilité, dans une démarche de co-construction, prévenant les risques de conflits et de recours. A ce jour, deux projets seulement sur un total de 60 ont été menés à bien, dans les départements du Loiret et de la Savoie, et d’une envergure toute relative.
Le gouvernement s’est fixé l’objectif de faire aboutir au moins 50 PTGE d’ici 2022, et 100 d’ici 2027. Au rythme actuel, autant dire qu’il va couler de l’eau sous les ponts. En début d’année, un groupe d’experts issu des ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique a été constitué en vue de débloquer une quinzaine de projets.
Un « Varenne de l’eau et du climat »
Le projet de loi Climat et résilience pourrait cependant rouiller prématurément la mécanique que les pouvoirs publics s’évertuent à activer. Irrigants de France s’inquiète notamment d’un amendement qui viserait à sanctuariser les zones humides, noyant tous les projets de création de réserves. « Un pas en avant, deux pas en arrière », s’agace Eric Frétillère, qui reporte ses espoirs sur le « Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique » annoncé le 25 avril par le ministère de l’Agriculture. Selon le président des Irrigants de France, le Varenne se déroulera en trois séquences portant sur la gestion des risques, programmées avant l’été, sur la résilience et la sécurisation, prévues après l’été.
« La question de l’eau sera au menu des trois séquences », assure Éric Frétillère. La profession y défendra ses attentes en termes de création d’infrastructures de transfert et de stockage de l’eau, jugées indispensables à l’aune du changement climatique et des enjeux de souveraineté alimentaire.