On achève mal les chevreaux

[Edito] Une vidéo de L214 pointe les mauvais traitements réservés à des chevreaux, illustrant, s’ils sont avérés, le « risque bien-être animal très marqué » pointé par un rapport ministériel l’an passé, inhérent au statut de sous-produit des cabris. La solution ? Manger davantage de chevreau pour manger pas très cher de (bonne) viande et mieux de fromage de chèvre.

Veaux, cochons, visons, poulets, lapins... le sale bestiaire de l’association antispéciste et abolitionniste L214 s’est enrichi cette semaine d’images tournées dans un élevage de chèvres situé en Saône-et-Loire. Elles révèlent les mauvais traitements infligés à des chèvres (coups de bâton, portail électrifié) et font état d’une surmortalité des chevreaux et du peu de cas fait aux cadavres, le tout ruminé par une bête de scène, en la personne d’Isabelle Adjani.

En vidéo et dans un seul en scène sur fond de prairie verdoyante (mais sans chèvre), l’éleveur conteste les faits. Saisie par l’association, la justice tranchera. Plusieurs enseignes de la grande distribution ont annoncé suspendre leur approvisionnement, certaines retirant les produits de leurs rayons. Car à l’accusation de « mauvais traitements » s’ajoute celle de « pratiques commerciales trompeuses », eu égard notamment au système zéro pâturage qui semble prévaloir, relevant davantage du « fermé » que du prétendu « fermier ».

Une filière responsable

En France, plus de 90% du cheptel caprin est dédié à la production de lait, conférant au chevreau le statut de sous-produit. Selon l’Institut de l’élevage, de nombreux éleveurs rencontrent des difficultés pour valoriser leurs chevreaux, faute d'organisation du ramassage et de l'abattage. Qui plus est, la production est très saisonnière et peu adaptée à la demande des consommateurs, tandis qu’à l’export, la concurrence s’avère rude.

Dans un rapport publié l’an passé, une mission du CGAAER invitait les acteurs à co-construire les bases d’une filière pérenne et socialement acceptable, pointant « un risque bien-être animal très marqué ». Entre-temps, Interbev a déposé un dossier dans le cadre de l’appel à projet « Structuration des filières » du Plan de Relance. De son côté, l’Institut de l’élevage pilote le projet ValCabri, visant à corriger les déséquilibres, et dont il restituera prochainement les conclusions.

La France, un moule à veaux, mais pas (encore) à cabris

L’institut s’est notamment penché sur les caractéristiques nutritionnelles de la viande caprine. Résultats : 100 grammes de viande de chevreau (type noix de la côte de filet), c’est 20 grammes de protéines de bonne qualité, 26% des apports recommandés en  zinc (avec une biodisponibilité meilleure que le zinc d’origine végétale), des apports conséquents en vitamine D et en fer, le tout avec moins de 2% de lipides.

Alors que le moule à veaux qu’est la France se fissure sous l’effet de la décapitalisation, suscitant l’inquiétude des acheteurs italiens de broutards et des acheteurs espagnols de veaux, mais aussi des abatteurs français, notre moule à cabris reste à « durabiliser ». A l’heure où le prix de la viande s’envole, mangeons donc davantage de chevreau, bon et bon marché, pour aussi, quelque part, mieux manger du fromage de chèvre, fermier ou pas.