Pac 2023-2027 : la contre-proposition de la Fnab sur l’écorégime

La Fnab propose un écorégime à trois niveaux distinguant l’AB de la HVE, doublé d’un bonus sur les infrastructures agroécologiques. Une proposition qui récompenserait les services et co-bénéfices environnementaux et sociétaux de l’agriculture bio et favoriserait l’installation. Mobilisation prévue à Paris le 2 juin.

A vrai dire, il ne s’agit pas d’une contre-proposition mais de la proposition sur laquelle, pendant six mois, la Fnab et le ministère de l’Agriculture ont discuté, via la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). Jusqu’à ce que Julien Denormandie présente en Conseil supérieur d’orientation (CSO) ses arbitrages le 21 mai dernier, avec deux maitres-mots que sont la « stabilité » s’agissant de l’ensemble des dispositifs et de « l’inclusion » s’agissant de l’écorégime en particulier. Ce faisant, le ministre de l'Agriculture a déclenché l’ire de plusieurs organisations, dont la Fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab). « Pendant six mois, on a beaucoup échangé avec la DGPE sur la base d’un écorégime à trois niveaux, distinguant la bio de la HVE, pour se voir finalement signifier en CSO un alignement des deux certifications, totalement à rebours de nos échanges », dénonce Loïc Madeline, secrétaire national en charge de la Pac à la Fnab, polyculteur-éleveur dans l'Orne.

Un écorégime à trois niveaux

La Fnab propose un écorégime à trois niveaux, crédités respectivement d’une allocation de 30€/ha pour le niveau 1 (standard), 80€/ha pour le niveau 2 (intermédiaire) et 145€/ha pour le niveau 3 (supérieur), sur la base d’une allocation de 25% du budget du 1er pilier à l'écorégime, le nouveau Paiement vert de la Pac 2023-2027. A noter que le Conseil et le Parlement européens ne se sont toujours pas accordés sur la part du budget alloué à l'écorégime, qui pourrait osciller entre 20% et 30% de l'enveloppe du 1er pilier, laquelle représente environ 75% du budget global de la Pac.

L’architecture de l’écorégime souhaitée par la Fnab (Source Fnab)
L’architecture de l’écorégime souhaitée par la Fnab (Source Fnab)

Le niveau 3, qualifié de PSE Bio (Paiement pour services environnementaux), ne serait accessible qu’aux exploitations certifiées AB. La HVE permettrait de bénéficier du niveau 2, lequel serait accessible également via les pratiques (pourcentage de prairies permanentes, diversification, pourcentage de couverts inter-rangs en cultures pérennes). Ces mêmes pratiques et d’autres certifications permettraient d’accéder au niveau 1.

Selon la Fnab, l’arbitrage du ministère réserverait deux niveaux d’écorégime à 70€/ha et 55€/ha, avec trois voies d’accès (certification, pratiques, infrastructures agroécologiques). « 79% des exploitations de grandes cultures devraient, dans l’état actuel, accéder à l’un des deux niveaux de l’écorégime et 13% à ce stade exclues, devraient modifier 5% de leur assolement pour y parvenir », avait déclaré Julien Denormandie, adepte d’un écorégime « inclusif ». « L’écorégime n’est pas un investissement mais un prélèvement d’une partie des revenus que l’on vous rend que si vous respectez les critères », avait justifié le ministre.

« Le ministre de l’Agriculture fait vœu de stabilité et d’inclusion, ce qui équivaut à de l’immobilisme », estime Loïc Madeline. Depuis l’Agenda 2000, la stabilité ne donne pas de perspectives très heureuses à nos enfants, avec une industrialisation et une concentration de l’agriculture qui verra bientôt 1% de la population en nourrir 99% ».

Récompenser les services environnementaux

Pour chacun des trois niveaux de l’écorégime, la Fnab attribuerait en prime une aide indexée sur les infrastructures agroécologiques (IAE), avec deux niveaux d’exigence crédités respectivement de 45€/ha et 90€/ha. « Le bonus sur les IAE permettrait de se conformer à la stratégie biodiversité décrétée par la Commission européenne », poursuit Loïc Madeline.

Pour la Fnab, une PSE Bio à 145 €/ha et une aide IAE à 45€/ha et 90€/ha récompenseraient les services environnementaux de la bio, à savoir « les économies de coûts de traitement de l’eau, la moindre exposition aux pesticides ou encore l’amélioration de la santé du fait des qualités nutritionnelles supérieures des produits bio ».

Cependant, à court terme, avant de capitaliser sur ces co-bénéfices, l’écorégime à la mode Fnab a un inconvénient :  il coûte beaucoup plus cher que celui du ministère, dès 2023 et plus encore en 2027, impliquant des arbitrages contrevenant l’objectif de stabilité des comptes d’exploitation.

Au-delà des arguments écologiques, l’écorégime tel qu’imaginé par la Fnab permettrait de compenser la perte de l’aide au maintien décidée en 2017 et que seules quelques Régions ont décidé de maintenir. « A partir du 1er janvier 2023, elles n’en auront plus la possibilité », prévient Loïc Madeline. Or de très nombreux producteurs, notamment dans les régions céréalières, misaient sur ces aides pour achever la transformation de leur système. Il faut savoir par ailleurs que l’aide au maintien est largement réinjectée dans l’emploi. En lait, on a 25% d’embauche en plus qu’en conventionnel ».

Le marché comme moteur de la transition ?

Pour Julien Denormandie, l’aide au maintien ne se justifie plus dans la mesure où le marché rémunère les spécificités de la bio. « Aujourd’hui, le marché du bio est plutôt porteur et donc notre défi, c’est d’investir dans la transition pour qu’il y ait de nouveaux installés, pour accompagner celles et ceux qui veulent aller dans cette démarche », déclarait-il au sortir du CSO.

Pour la Fnab, le marché n’est pas une garantie. « En lait, le marché commence à vaciller, déclare Loïc Madeline. En céréales, on a une compensation mécanique entre l’effet rendement et l’effet prix, donc ce n’est pas uniquement le marché qui engage les conversions mais les politiques de soutien. Plusieurs Etats membres de l’UE vont continuer à verser des aides au maintien, ce qui ne devrait pas manquer des créer des distorsions de concurrence  ».

La Fnab estime enfin que la bio est très clairement un critère d’attractivité pour attirer de nouveaux candidats à l’installation, susceptible de faire mentir la courbe démographique. La meilleure preuve selon la Fnab, c’est que 8000 installations sur les 13.000 annuelles s’opèrent en dehors des aides spécifiques. « Ce n’est pas avec un chéquier que l'on va renouveler les générations et permettre à 10 ou 15 millions d’hectares de changer de main dans la décennie, conclut Loïc Madeline. Sur les 47.000 fermes bio, 17.000 passent sous les radars de la Pac mais c’est pourtant là que la dynamique d’installation est la plus forte ».

Le ministère de l'Agriculture défend son arbitrage en faveur de l'agriculture biologique, dont le budget passerait de 250 millions € par an à 340 millions € par an, soit 1,7 milliard € sur la période 2023-2027. Un budget en ligne avec la prévision de croissance de la SAU bio, qui passerait de 12,5%-13% à fin 2022, prévision du ministère, à l’objectif de 18% à fin 2027. « Au cours du quinquennat, la part de bio aura augmenté de 50%, ce qui ne s’était jamais produit auparavant », se défend Julien Denormandie.

Pour défendre sa vision de la Pac et faire de la pédagogie autour de l’écorégime en particulier, la Fnab se mobilise le 2 juin à 12 heures place des Invalides à Paris.