Pac 2023-2027 : les arbitrages du ministère de l’Agriculture

A l’issue d’un Conseil supérieur d’orientation, le ministère de l’Agriculture a dévoilé les arbitrages du Programme stratégique national (PSN), la déclinaison française de la Politique agricole commune. Décryptage et explications de Julien Denormandie.

Transfert, paiement redistributif, convergence

- le taux de transfert entre le 1er et le 2ème pilier est maintenu à 7,53% (le règlement Pac autorise un maximum de 15%)

- l’enveloppe du paiement redistributif est maintenue à 10% du montant des paiements directs (le règlement Pac autorise un maximum de 20%). L’aide reste versée sur les 52 premiers ha, chiffre qui correspondait à la surface moyenne des exploitations en 2014 (contre 63 ha actuellement). Le montant de cette aide couplée nationale est d’environ 50 €/ha, avec transparence Gaec

- la convergence, consistant à harmoniser et à lisser les paiements de base issus des références historiques, est poursuivie, conformément aux exigences européennes. Elle sera portée à 85% en 2027 contre 70% actuellement, assortie d’un mécanisme de limitation des pertes à 30%

- une baisse de 2 % est appliquée sur toutes les enveloppes de paiements directs

Évolution comparée des paiements directs et de l’ICHN, entre la dernière et la prochaine réforme de la Pac (Source : ministère de l’Agriculture)
Évolution comparée des paiements directs et de l’ICHN, entre la dernière et la prochaine réforme de la Pac (Source : ministère de l’Agriculture)

Aides couplées animales

- les aides couplées animales, qui représentent actuellement 12,6 % des paiements directs (soit 849,4 millions € en 2022), sera progressivement abaissée à 11 % à l’horizon 2027, dans le respect du poids relatif des différents soutiens (bovins allaitants, bovins laitiers, veau sous la mère et veau AB, ovins, caprins)

- les aides couplées bovins et allaitantes, qui reposaient jusqu’à présent sur le nombre de veaux par vache, sont refondées pour une aide à l’UGB de plus de 16 mois, commune aux secteurs bovins lait et bovins viande

- le paramétrage de l’aide à l’UGB sera finalisé dans les semaines à venir, en concertation avec les Chambres d’agriculture, Interbev et la FNPL

- l’aide à l’UGB viande est destinée à inciter à produire des animaux à plus forte valeur ajoutée, et à ne plus contraindre les éleveurs à devoir conduire leur troupeau avec des signaux différents voire divergents entre attentes du marché et règles d’octroi de l’aide

- l’aide à l’UGB lait est destinée a enrayer la décapitalisation du cheptel

- les aides ovines et caprines voient leurs soutiens globaux augmenter 3 %, rapportés à leurs paiements directs et ICHN, l’effet de convergence compensant la baisse des aides couplées

Julien Denormandie : « L'enveloppe UGB évoluera annuellement à la baisse à hauteur d’environ 17 millions d’euros, du fait du renfort aux aides couplées protéines mais qui se fera progressivement, sans effet de couperet. Cette baisse ne tient pas compte ni de la convergence, qui bénéficie aux bovins allaitants, ni de la redistribution des aides protéines vers le secteur de l’élevage, très importante puisque nous souhaitons regagner en autonomie protéique »

Aide couplée protéines et programme opérationnel protéines

- les aides couplées protéines (pois, féverole, lupin, soja, légumineuses fourragères, légumineuses fourragères déshydratées, semence de légumineuses fourragères) vont progressivement augmenter pour représenter, en 2027, 3,5% des paiements directs contre 2% actuellement

- un programme opérationnel est mis en place à l’intention des filières, équivalant à 0,5% du 1er pilier, soit 33,7 millions € par an, soit 170 millions € sur la période

Julien Denormandie : « La progressivité de l’aide couplée protéines permet de limiter l’impact sur les filières animales qui vont dans le même temps profiter de la convergence. Sur la période, l’aide aux protéines sera ainsi doublée pour passer de 135 millions € à 270 millions €. La montée en puissance des aides protéines est un enjeu de souveraineté, un enjeu environnemental et un enjeu de création de valeur qualitative. Il faut absolument continuer à développer cette autonomie protéique française »

Autres aides couplées végétales

- une aide de 10 millions d’euros est allouée aux petits maraîchers complète les programmes opérationnels

- les aides couplées blé dur, riz, houblon, chanvre, pomme de terre féculière, semences de graminées et des fruits et légumes transformés sont préservées

- les paramétrages de ces aides couplées végétales sont en cours de finalisation

- les modes d’intervention du programme national viticole, du programme apicole et des fonds opérationnels dans le secteur des fruits et légumes seront également globalement inchangés

Conditionnalité

La Pac 2023-2027 intègre les exigences du paiement vert dans le socle de la conditionnalité. Ces exigences qui étaient applicables à 30% des paiements directs sont désormais applicables à 100 % des paiements directs et des aides surfaciques du 2ème pilier, dont l’ICHN

Ecorégime

- l’écorégime remplace le paiement vert, un paiement découplé mis en place en 2014, représentant 30% du total des paiements directs, d’un montant d’environ 80 €/ha en 2020. L’écorégime représentera quant à lui entre 20% et 30% des paiements directs, selon l’issue des négociations en cours à Bruxelles

- l’écorégime réservera deux niveaux d’exigences (base et supérieur) et trois voies d’accès que sont les pratiques agricoles, les certifications et les infrastructures agroécologiques

- la voie des pratiques intègre trois critères que sont le non-labour sur un pourcentage significatif des prairies permanentes, la couverture végétale d’une part substantielle des inter-rangs dans les cultures permanentes, la diversité des assolements (plantes légumineuses, plantes sarclées, prairies permanentes, exploitations à faible superficie en terres arables)

- les certifications AB et HVE (Haute valeur environnementale) permettront de percevoir le niveau supérieur de l’écorégime

- la certification environnementale de niveau 2+, qui reste à construire, permettra de percevoir le niveau de base de l’écorégime

- une certification carbone est à l’étude

Julien Denormandie : « L'écorégime, ce n’est pas un investissement mais un prélèvement d’une partie des revenus que l’on vous rend que si vous respectez les critères. J’entends parfois que l’on ne fait pas de transition dans le monde agricole mais il n’y a que dans le monde agricole que l’on fait cela. 79% des exploitations de grandes cultures devraient, dans l’état actuel, accéder à l’un des deux niveaux de l’écorégime. Et 13% à ce stade exclues, devraient modifier 5% de leur assolement pour y parvenir »

Indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN)

- le budget de l’ICHN est maintenu à son niveau actuel, soit 1,1 milliard € par an

- le ciblage de l’ICHN sur les secteurs d’élevage est également maintenu.

Julien Denormandie : « L’ICHN est aujourd’hui une source de revenu importante pour de nombreuses exploitations d’élevage dans les zones à handicap naturel. Du fait d’une modification des règlements européens, l'État abonde le budget de la Pac de 108 millions € par an, soit 540 millions € sur la période »

Mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC)

- l’enveloppe des MAEC est maintenue à 260 millions € par an, dont 30 millions € ciblant les zones intermédiaires à faible potentiel agronomique au bénéfice notamment des systèmes d’exploitation de grande culture et de polyculture-élevage

- des mesures systèmes seront mobilisées, tant les mesures surfaciques que des mesures calculées de manière forfaitaire à l’exploitation, ainsi que des mesures de « transition », si le règlement européen le permet

- un travail technique est mené avec les Régions, les professionnels, les Chambres d’agriculture et les associations

Zones défavorisées

- le ministère n’attribue pas de mesure ciblée aux zones défavorisées, qui concernent environ 50.900 exploitations pour une surface de 5,8 millions ha

- pour compenser leur déficit de compétitivité et l’impact dépressif des précédentes réformes de la Pac, les zones défavorisées vont bénéficier, selon le ministère, de l’addition des arbitrages, à savoir : le non-relèvement du taux de transfert du premier vers le second pilier et du paiement redistributif, le volet diversification de l’écorégime, le soutien accru aux protéines végétales, le ciblage accru de MAEC, à hauteur de 30 millions € mais dont les modalités restent à préciser

Julien Denormandie : « Je ne veux pas mettre en place de zonage, je ne suis pas un adepte du zonage »

Agriculture biologique

- le budget annuel passe de 250 millions € par à 340 millions € par an, soit 1,7 milliard € sur la période

- l’objectif est d’atteindre un taux de 18% de la SAU en agriculture biologique en 2027, contre les 12% à 13% prévus en 2023

Julien Denormandie : « Au cours du quinquennat, la part de bio aura augmenté de 50%, ce qui ne s’était jamais produit. Dans un marché qui augmente profondément, nous privilégions l’aide à la conversion et non l’aide au maintien. La bio, c’est de l’installation et c’est de la transition au même titre que la HVE. Opposer la bio et la HVE est un non-sens. Il y a de place pour les deux systèmes et il faut accompagner les deux. Dans une enveloppe budgétaire fermée, mais que la France a réussi à préserver, personne n’a réussi à me démontrer comment accroître encore davantage la bio sauf à prendre sur l’ICHN ou les MAEC. Quant à l’idée d’un transfert massif du 1er vers le 2ème pilier, c’est une illusion, qui consiste à croire que l’investissement pourrait se faire sans revenus »

Aides à l’installation

- le pourcentage de l’enveloppe des paiements directs réservé pour le paiement jeunes agriculteurs (PJA) est porté de 1% à 1,5%

- le PJA est alloué sous forme forfaitaire et non plus à l’hectare, afin d’accompagner toutes les installations

- chaque année, 33 millions € du FEADER seront alloués chaque année aux Régions, s’ajoutant aux 645 millions €, pour accroître le nombre d’installations soutenues annuellement

- l’objectif collectif est d’accompagner 7500 installations annuellement d’ici à la fin de la future Pac.

Julien Denormandie : « L'installation, c’est la mère des batailles. Il nous faut investir massivement dans le renouvellement des générations. Jamais une Pac n’a autant aidé l’installation »

Assurance récolte

- l’enveloppe allouée à l’assurance récolte s’établit à 186 millions € par an sur la période 2023-2027 contre 150 millions € par an actuellement

Julien Denormandie : « L’assurance récolte ne peut pas être financée seule par le monde agricole et la Pac revient à la faire financer par le monde agricole. Il faut refonder complètement l’assurance récolte, avec de la coassurance, de la réassurance et la contribution de la solidarité nationale. Ce sera l’un des objets du Varenne de l’eau et du changement climatique »

Posei (Outre-Mer)

- les soutiens au titre du premier pilier de la Pac relevant du programme Posei, ainsi que les dispositions spécifiques aux territoires ultramarins, sont maintenus