Parole de ministre : « la souveraineté alimentaire passe par l’élevage »

Au Space de Rennes, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a mis l'accent sur le renouvellement des générations d'éleveurs et leur rôle à la fois dans la transition écologique et la souveraineté alimentaire.

Après plusieurs heures de déambulation entre les allées du Space mardi 13 septembre, le ministre a tenu un discours devant les représentants des différentes filières de l'élevage durant lequel il a insisté sur le fait que la souveraineté alimentaire "passe par l'élevage". Mais face au réchauffement climatique et au doigt pointé sur les émissions carbone issues de l'élevage, il faut "purger cette question définitivement", a estimé M. Fesneau, défendant que la production animale fait aussi partie des solutions.

"Dans 40 ans, Rennes aura le climat de Toulouse", si le réchauffement de la planète n'est pas atténué, alors "le premier élément, c'est que plus le système peut résister, plus il peut devenir rentable", a expliqué le ministre. "Il faut commencer par se préoccuper du bien-être des éleveurs avant de se préoccuper de toute autre forme de bien-être", a-t-il dit.

Attirer les jeunes

L'urgence, martelée toute la journée : attirer des jeunes et sécuriser les éleveurs installés. En première ligne, le prix payé aux producteurs. "On n'est pas un pays de pénurie, on est un pays en pénurie de rémunération", a-t-il dit. Autre urgence : "penser l'installation dans le moment du dérèglement climatique", a dit le ministre.

Sur l'enveloppe de 400 millions d'euros annoncée par Emmanuel Macron aux Terres de Jim, une partie doit servir à renforcer les Safer, dont un mécanisme permet aux agriculteurs désireux de s'installer d'accéder plus facilement à des terres, a détaillé un porte-parole du ministère. Ce mécanisme de portage du foncier agricole, déjà existant, permet aux Safer d'acheter des "terres agricoles qu'elles revendraient ensuite aux éleveurs", pour leur faciliter l'accession aux terres agricoles.

Dans la matinée, le ministre s'est aussi prêté au jeu des questions-réponses avec des étudiants en BTS agricole, inquiets quant aux obstacles de l'installation. "Comment faciliter l'accès des jeunes à l'installation" quand les "montants d'investissements" peuvent atteindre un demi-million d'euros ?, demande Esteban, étudiant en lycée agricole. "Vous êtes des denrées rares et précieuses", a répondu Marc Fesneau. "Alors ce serait sympa de nous payer l'installation", murmure ironiquement dans le public Lysandre Olliero, 19 ans, étudiant en production animale.

Dans l'élevage de bovin laitier, 45% de la population sera en âge de partir à la retraite dans les dix prochaines années et c'est aussi la filière qui compte le moins de nouvelles installations. Mais sur scène, quatre étudiants de deux lycées agricoles en Bretagne, première région productrice de lait en France, souhaitent se lancer un jour dans l'élevage laitier "si la conjoncture économique le permet", précise Marc Lenouvel, 19 ans, assis à côté du ministre.

"Les aides viennent compenser des charges qui ne sont pas mises dans les prix"

Pour ces futurs éleveurs, la question du recrutement sur les exploitations est essentielle pour soulager la charge de travail mais "de nombreuses exploitations cherchent à recruter et ne trouvent pas, alors comment rendre attractif le salariat en agriculture ?", interroge Anaïs, étudiante en lycée agricole également. "Des gens réclament aux éleveurs de vivre une vie qu'ils n'accepteraient pas eux-mêmes, le salariat est une aide, une nécessité pour tenir et avoir une vie sociale qui soit supportable", lui a répondu Marc Fesneau.

La traite, tôt le matin et en fin de journée, et ce tous les jours, est un facteur d'isolement social pour de nombreux éleveurs. Pour attirer davantage, il faut aussi rémunérer davantage, or "les aides viennent compenser des charges qui ne sont pas mises dans les prix", a dit le ministre face aux jeunes, mais aussi face à plusieurs représentants des filières agricoles. Les agriculteurs prônent depuis plusieurs mois des hausses de prix pour faire face à la flambée des coûts de production entraînée par l'invasion russe en Ukraine fin février. "Des gens très à l'Est ont compris que l'alimentation était une arme. On a vécu une parenthèse d'insouciance mais c'est un combat de tous les jours", a souligné M. Fesneau pour qui, en matière d'alimentation, il faut "s'armer, pacifiquement, mais s'armer quand même".