Installation : Macron lance le chantier de la future loi d’orientation et d’avenir

Face aux JA, le président de la République a détaillé la teneur du Pacte d’orientation et d’avenir de l’agriculture, prélude à la future loi. Il a notamment annoncé la création d’un fonds « entrepreneurs du vivant », doté de 400 millions d’euros, ayant vocation à franchir la « double falaise » du foncier et des transitions. Chaque projet d’installation sera soumis à un « stress-test » climatique. Les PAI céderaient la place au réseau France Installation Agricole.

« Ce que je veux que nous construisions ensemble dans les six prochains mois, c’est un pacte d’orientation et d’avenir pour notre agriculture, sur les sujets d’orientation, de formation, de transmission et de transition ». Face aux JA réunis à Terres de Jim le 9 septembre dernier, le président de la République a lancé le chantier de la future loi d’orientation et d’avenir de l’agriculture, l’une de ses promesses de campagne. Elle sera présentée au Parlement « au premier semestre 2023 ».

Portage foncier et financement des transitions

La chef de l’Etat a annoncé la création d’un fonds « entrepreneurs du vivant, » doté de 400 millions d’euros, à la finalité double. « Pour les générations qui s’installent, il va y avoir une double falaise : la falaise du foncier pour s’installer et la falaise des transformations indispensables », a indiqué Emmanuel Macron. Le fonds aura vocation à lisser la charge liée à une reprise, en donnant de la « visibilité » aux futurs installés, tout en les inscrivant dans les transitions climatiques, agroécologiques, robotiques et numériques, emblématiques de la « troisième révolution agricole », décrétée par le ministère de l’Agriculture. « 400 millions d’euros, c’est le départ (...) Il y a un très gros travail à faire avec les Régions (...) Il faut que l’Etat et les collectivités investissent dans le portage du foncier et dans des solutions à façon selon la valeur du foncier et la valeur des exploitations (...) Tout ça se fera dans le cadre de la nouvelle Pac qui prévoit une hausse des subventions à l’installation, confiée aux Régions ». A compter de 2023, les Régions vont en effet se voir confier la politique de l’installation.

Un « stress-test » climatique pour chaque installé

Le président de la République a également évoqué la mise en place d’un « stress-test » climatique pour chaque projet d’installation. Il s’agit de jauger la viabilité du projet au prisme du changement climatique. Les Chambres d’agriculture seraient chargées de le réaliser. Ce « stress-test » serait une déclinaison individualisée des diagnostics régionaux d’adaptation au changement climatique finalisés récemment par les Chambres d’agriculture, en concertation avec l’ensemble des filières. Les Chambres projettent de réaliser, à compter de 2023, un premier volant de 1000 diagnostics et plans d’adaptation individuels, ayant valeur de galop d’essai, avant de monter en puissance et d’atteindre un rythme de 15 000 diagnostics annuels, sans se limiter aux futurs installés.

Emmanuel Macron n’a pas minimisé les impacts du changement climatique. « Il faudra peut-être regarder nos territoires et complètement convertir nos modèles (...) Il faudra dans certains endroits régénérer les sols, changer de type de culture, dans d’autres complètement repenser nos systèmes d’irrigation et dans certains peut-être remettre de l’agriculture dans certains sols qui étaient utilisables et pour d’autres accepter qu’il n’y ait pas de bonne exploitation qui puisse se faire sur 10 à 15 ans ».

Mais il n’a pas occulté le volet atténuation du changement climatique dont est porteuse l’agriculture et le puits de carbone que constituent les sols. « Il faudra que l’on invente mais de manière plus rapide, pour les jeunes, ça sera fondamental, la rémunération de ce que qu’on appelle en bon français, en bon breton le carbon farming », a dit Emmanuel Macron, soucieux de « donner de la visibilité sur ces pratiques, en terme de prix et d’investissement ».

« Nouer un pacte entre générations »

Le chef de l’Etat a aussi sonné la mobilisation des Chambres d’agriculture sur le volet transmission de la future loi d’orientation et d’avenir. « On a déjà une grosse mobilisation de nos réseaux et des Chambres, a loué le président, mais je souhaite dans les concertations qui s’ouvrent que vous puissiez, autour du ministre, faire des propositions très concrètes pour renforcer ce dialogue entre générations, faciliter la vie de ceux qui partent et de ceux qui arrivent. On a besoin qu’il y ait vraiment ce pacte qui se noue entre les générations ».

"Les revenus agricoles depuis tant d’années sont tels que la cession de celui qui cède c’est souvent plus qu’un complément de retraite : c’est le cœur de la retraite "

Le président a fait sur la question des cessions le même constat de lucidité et de vérité qu’à propos du changement climatique. « Le prix du foncier est tel que les jeunes ont énormément de mal à passer ce cap, mais aussi il faut bien le dire parce que les revenus agricoles depuis tant d’années sont tels que la cession de celui qui cède, c’est souvent plus qu’un complément de retraite : c’est le cœur de la retraite ».

Un réseau France Installation Agricole

Le Président de la République a par ailleurs évoqué l’instauration d’un nouveau réseau dédié à l’accompagnement des porteurs de projet, en remplacement des Points accueil installation (PAI), voués à être réformés à très court terme. En début d’année, le CGAAER avait publié un rapport dans ce sens, recommandant des ajustements de la politique d’installation, beaucoup plus inclusive, tant au niveau des profils des candidats que des acteurs mobilisés. « Je souhaite que l’on mette en place des mécanismes simples, accessibles, a dit le chef de l’Etat. Chacun pourra trouver des conseils, une orientation vers la structure adéquate et un accompagnement à travers un réseau France Installations Agricole qui fédérera sur le territoire tous les acteurs. Évidemment les Chambres sont l’acteur clé mais il faut que l’on mette tout le monde derrière, et là c’est à nous de travailler intelligemment avec les Régions. Je sais combien certains départements sont mobilisés et évidemment nos élus, en particulier nos maires parce que c’est la vie de nos territoires qu’il y a derrière. Quand on ne sait pas bien reprendre une exploitation, c’est tout un territoire qui se fragilise ».

"On ne va pas se mentir, même si on arrive à faire tout ce boulot, ça restera des métiers passion parce qu’il y a un tel niveau de contraintes"

Outre la transmission, l’installation et le défi des transitions, la future loi d’orientation et d’avenir abordera également le thème de la formation dans les établissements agricoles et de l’orientation au niveau des collèges. Le président ne désespère pas de convaincre davantage de collégiens de porter leur regard sur les filières agricoles, sans toutefois se bercer d’illusions. « On ne va pas se mentir, même si on arrive à faire tout ce boulot, ça restera des métiers passion parce qu’il y a un tel niveau de contraintes. Ce n’est pas vrai que ça correspond à tous les standards d’organisation de la vie, vous êtes des engagés et vous travaillez beaucoup. Je pense que derrière, il y a un sens, il y a un goût de ce qui va avec, il faut pouvoir l’inculquer et le transmettre, donc j’ai besoin de vous pour aller l’expliquer dans les écoles, c’est très important ».

Concernant l’enseignement agricole, « une fierté et une force », le président de la République estime nécessaire de le « consolider ». « Nous investirons 20 millions d’euros pour l’enseignement agricole dans le cadre du fonds compétences France 2030 pour financer les formations dans des nouvelles compétences ». A cet égard, Emmanuel Macron a mentionné la mise en place sur tout le territoire d'un réseau d’incubateurs d’entreprises agricoles innovantes, en s’appuyant sur les lycées agricoles, les Chambres d’agriculture, les acteurs du développement durable, les instituts techniques, les Régions et les banques. « C’est ce qui va permettre de trouver des réseaux pour les stages, les contrats d’alternance et d’apprentissage, et permettre aussi d’avoir des experts dans ces entreprises et dans ces réseaux pour notre enseignement ».

"Il nous faut accélérer sur le Varenne de l’eau, sur l’assurance récolte, il faut donner de la visibilité à notre jeunesse pour pouvoir avancer "

Cet engagement sera formalisé dans le projet de loi de finances 2023. « Nous n’avons jamais eu un tel mur démographique devant nous, a conclu Emmanuel Macron. Ces 100 000 chefs d’exploitation d’ici à 2030 qui vont passer le relais, c’est un vrai défi parce que ça arrive au pire moment. On n’a pas encore gagné la bataille du prix, on la mène ensemble depuis cinq ans, elle est remise en cause par une nouvelle inflation qui arrive et le dérèglement climatique qui est déjà là. C’est pour cela qu’il nous faut accélérer sur le Varenne de l’eau, sur l’assurance récolte, il faut donner de la visibilité à notre jeunesse pour pouvoir avancer ».